Ce site d'information vous est offert par CABINET CONSTANT
Ce site d'information vous est offert par CABINET CONSTANT

Conditions du pacte Dutreil : que change la décision de la Cour de cassation ?

Publié le lundi 12 septembre 2022 à 14h50
Par Marion Perrier, Accroche-press’ pour France Défi
Experts & Décideurs Chef d'entreprise Patrimoine Conditions du pacte Dutreil : que change la décision de la Cour de cassation ?

Une décision du 25 mai dernier a conduit le législateur à préciser les modalités d’appréciation d’une des conditions du pacte Dutreil. 

Né dans sa forme actuelle en 2003, le pacte Dutreil est un outil très utilisé pour la transmission à titre gratuit (dans le cadre de donations ou de successions) des entreprises familiales, qu’il vise à faciliter en en allégeant le coût fiscal. « Sa philosophie générale est que si les donataires ou les héritiers qui reçoivent les titres d’une entreprise familiale s’engagent à la conserver pendant une période déterminée, l’administration réduit le coût de la transmission », résume Maître Frédéric Aumont, notaire associé chez Althémis. Le dispositif permet en effet de bénéficier d’un abattement de 75 % sur la valeur des titres transmis pour le calcul des droits de mutation.

Conditions du pacte Dutreil, des engagements de conservation

Plusieurs conditions sont définies à l’article 787 B du code général des impôts (CGI). Les titres de l’entreprise doivent d’abord être conservés pendant une durée minimale de deux ans par le chef d’entreprise. Une condition généralement formalisée par la signature d’un engagement de conservation mais qui peut aussi être réputée acquise ou faire l’objet d’un engagement post mortem. À la transmission, les donataires ou héritiers doivent s’engager à conserver les titres au moins quatre ans.

Une fonction de direction doit également être assuré par le donateur, un donataire ou un héritier pendant au moins trois ans

Maître Frédéric Aumont, notaire associé chez Althémis

Enfin, le Pacte Dutreil ne concerne que les sociétés opérationnelles – exerçant une activité commerciale, artisanale, industrielle, agricole ou libérale – ou assimilées, comme les holdings animatrices. « Il n’en existe pas de définition légale et les critères permettant de déterminer le caractère animateur d’une holding sont sujets de discussions avec l’administration fiscale », rappelle le notaire. Il faut pouvoir démontrer que la holding contrôle bien ses filiales opérationnelles, qu’elle définit et conduit la politique du groupe.

Une nouvelle jurisprudence

C’est sur cette condition du pacte Dutreil que porte la décision de la Cour de Cassation du 25 mai 2022. « Il y avait une lacune dans le texte du CGI. Jusque-là, la doctrine considérait que puisque les engagements de conservation devaient être de six ans maximum, la société devait conserver son caractère opérationnel ou animateur pour une holding pendant cette même durée. Mais le texte ne le précisait pas. Il mentionnait que cette condition devait être remplie au moment de la transmission. Comme le droit fiscal est d’interprétation stricte, les juges ont considéré que le contribuable n’avait pas à respecter cette condition pendant toute la durée de l’engagement mais seulement au jour de la transmission ».

 

Cette décision est importante. « Elle sécurise les personnes qui n’auraient pas conservé le caractère animateur ou opérationnel de la société pendant ces 6 ans », explique Maître Aumont, citant le cas d’un client ayant fait donation à ses enfants de titres d’une holding animatrice il y a deux ans, dans le cadre d’un Pacte Dutreil, et qui a eu récemment l’opportunité de vendre sa société opérationnelle. En faisant perdre à la holding son caractère animateur, cela aurait pu remettre en cause le bénéfice de l’exonération partielle des droits de mutation pour ses enfants. Ils pourront désormais se revendiquer de cette jurisprudence.

Des précisions du législateur

L’objectif du Pacte Dutreil étant de faciliter les transmissions familiales de sociétés opérationnelles pour en assurer la pérennité, le législateur a rapidement réagi. La loi de finances rectificative pour 2022, promulgué le 17 août, a complété l’article 787 B du CGI en précisant que la condition d’activité opérationnelle de la société transmise devait bien être respectée pendant toute la durée de l’engagement de conservation. Ces conditions s’appliquent avec une petite rétroactivité à compter du 18 juillet 2022 et dans les cas où, à cette date, des engagements de conservation sont en cours et la société concernée n’a pas cessé son activité opérationnelle.

Lorsque le caractère opérationnel de la société faisant l’objet d’un pacte Dutreil a été remis en cause par une opération antérieure au 18 juillet en revanche, la décision de la Cour de Cassation pourra toujours être mobilisée par les contribuables en cas de contentieux avec l’administration.