Transmettre son entreprise à ses salariés peut être une solution pour en assurer la pérennité. Mais avant de retenir cette option, il est nécessaire de considérer les enjeux et conséquences de ce type d’opération.
« On parle beaucoup de la transmission d’entreprise aux salariés mais ce sont tout de même des cas assez rares », précise Christian Pradon, président du comité de pilotage sur la transmission du groupement France Défi. La loi leur permet de proposer une offre et de se constituer en sociétés coopératives de production (Scop) pour gérer l’entreprise. Certes, le concept séduit certains patrons désireux de passer la main à ceux qui ont travaillé à leurs côtés et d’assurer ainsi la pérennité de l’entreprise, mais il s’agit d’un processus de transmission délicat.
L’analyse patrimoniale du cédant
S’il prévoit de transmettre à ses salariés, le futur cédant doit au préalable réfléchir aux conséquences de l’opération sur sa situation personnelle, fiscale comme patrimoniale. En cas de départ à la retraite, il peut par exemple bénéficier d’abattement sur la plus-value réalisée à travers la cession. Il peut aussi être judicieux de s’intéresser à la pertinence de son statut matrimonial ou d’analyser l’intérêt de réaliser des donations en amont de la vente, dans le cas où il souhaite transmettre une partie de son patrimoine à ses enfants.
La constitution d’une équipe de salariés intéressés
Du côté des repreneurs, la première étape consiste à constituer l’équipe de salariés intéressés. « Il faut que le collectif se mette d’accord pour reprendre l’entreprise et sur les conditions économiques de cette reprise », souligne Olivier Sanchez, associé du cabinet Yzico, membre de France Défi. Même si le chef d’entreprise identifie une personne qui pourrait lui succéder, cela s’anticipe. « Il faudra qu’il soit accepté et reconnu compétent par les autres », explique Christian Pradon. Dans une Scop ce sont en effet les salariés-associés qui élisent leur dirigeant.
Le diagnostic de l’entreprise et la construction d’un projet
« Les salariés ont le plus souvent une vision parcellaire de l’entreprise, la réalisation d’audits revêt donc une importance particulière », insiste Oliver Sanchez. Les futurs repreneurs doivent pouvoir analyser tous les aspects stratégiques de l’entreprise et construire un projet de reprise. Les audits permettent d’établir un diagnostic et par exemple d’identifier si les compétences nécessaires à la reprise sont disponibles en interne. Ils doivent aussi valider la cohérence du projet bâti par les salariés repreneurs.
L’évaluation de l’entreprise
Comme dans une cession classique, le cédant doit pouvoir tirer un juste prix de l’entreprise. La réalisation d’une évaluation par des experts extérieurs permet d’apaiser la détermination du prix de cession. « On va d’abord chercher des informations sur le secteur d’activité de l’entreprise, puis détailler ses forces et faiblesses. On analyse ensuite les comptes passés, pour voir comment se forment les résultats, quelle est la rentabilité de l’entreprise par rapport à son secteur. Puis on s’intéresse à l’avenir », détaille Jacques Martin, expert-comptable et expert de justice, membre de France Défi.
L’expert chargé de la valorisation va ainsi déterminer un taux d’actualisation à utiliser pour connaître la valeur de l’entreprise en fonction de ses performances futures escomptées. « En mettant en œuvre différentes méthodes appropriées, on obtient une fourchette de valeur», conclut Jacques Martin.
Montage de la Scop
« La transformation d’une entreprise en Scop nécessite un montage juridique particulier et cela se prépare », prévient Christian Pradon. Dans la nouvelle structure, 51 % du capital et 65 % des droits de vote au moins doivent être détenus par les salariés. Les repreneurs vont devoir rédiger les statuts de cette nouvelle entité, se mettre d’accord sur les règles d’admission des associés et leur mise au capital. La transformation devient officielle au cours d’une assemblée de transformation et cédant et repreneurs doivent signer un protocole de transformation. Le mouvement des Scop peut les accompagner dans cette démarche. Les salariés doivent aussi valider le montage financier de leur projet. Ils peuvent bénéficier de certains dispositifs fiscaux et déduire de leur revenu brut les intérêts des emprunts contractés pour acquérir les parts de la Scop ainsi que 25 % des sommes apportées à son capital au cours de l’année d’imposition, dans la limite de 12 000 €.
Transition
Les salariés élisent parmi eux les administrateurs ou le gérant de la coopérative. Leur formation est nécessaire pour leur permettre d’assurer ses nouvelles tâches de direction. Repreneurs et cédant peuvent aussi se mettre d’accord pour que ce dernier reste dans l’entreprise afin de transmettre son savoir-faire. « Mais le salarié peut mettre du temps à basculer du côté de son nouveau statut de patron », note Olivier Sanchez. Il faut donc prévoir de limiter cette période.