Diriger une entreprise repose sur des éléments rationnels. Pourtant, sortir des tableaux de bord et des données chiffrées pour laisser parler son intuition peut se révéler bénéfique.
70 000 poussettes vendues en 2014, un chiffre d’affaires qui a presque triplé entre 2013 et 2014… En peu de temps, la marque BabyZen, avec sa poussette Yoyo, s’est imposée dans l’univers ultra concurrentiel de la puériculture. Tout a commencé avec une intuition, celle de Julien Chaudeurge, cofondateur et président de BabyZen. « A la naissance de mon premier enfant, j’avais une petite voiture citadine, dans le coffre de laquelle il était difficile de loger une poussette confortable et sécurisante. D’où l’idée d’imaginer un modèle compact, léger et facile à plier, répondant aux contraintes des parents vivant dans les grandes villes », raconte-t-il. Bingo ! En quelques années, l’activité de sa société a explosé. « Les produits innovants, qui changent le quotidien, ne naissent pas d’une étude de marché, puisque le marché en question n’est pas forcément identifié, assure cet entrepreneur. J’avais une certitude, mais il m’a fallu beaucoup de conviction pour la faire partager aux investisseurs que je sollicitais ! » De même, sans éléments permettant de valider ses impressions, il choisit de développer son réseau de distribution dans les grandes métropoles. Là encore, le flair de Julien Chaudeurge paie : ses poussettes sont désormais commercialisées dans 55 pays, sur les cinq continents.
Intuition: une analyse inconsciente de données factuelles
Cette success story exemplaire ne doit pourtant pas faire oublier que l’intuition n’est pas automatiquement synonyme de réussite. « Elle est à la base des plus grands succès commerciaux, mais aussi d’échecs retentissants », rappelle Nathalie Malicet, cofondatrice du cabinet d’expertise comptable bordelais Anexis, membre du groupement France Défi. Alors, faut-il écouter son inspiration ? En tout cas, il ne faut pas l’écarter systématiquement. « Elle constitue parfois la petite étincelle permettant de sortir de schémas préétablis », constate Nathalie Malicet. « C’est rarement une idée qui surgit de nulle part. Elle est généralement le fruit d’une analyse inconsciente de données factuelles et concrètes », remarque de son côté Olivier Sabot, consultant indépendant, spécialiste du financement des entreprises. En clair, il s’agit d’une synthèse d’informations réalisée à l’insu de soi-même, parfois en lien avec une problématique personnelle comme dans le cas de Julien Chaudeurge, qui finit par se concrétiser sous la forme d’une bonne idée.
Ne pas s’enfermer dans un raisonnement intuitif
« Une entreprise, c’est une histoire humaine. Dans le cadre d’un recrutement, par exemple, on choisit un candidat en raison de ses compétences mais aussi parce que le courant passe bien. Preuve que toutes les décisions ne peuvent pas se prendre sur la base d’éléments rationnels », remarque Nathalie Malicet. Selon cette spécialiste du chiffre, il est parfois nécessaire d’écouter sa petite voix intérieure. « Il faut oser parler de ses intuitions, sans s’autocensurer, et demander l’avis de son entourage professionnel », assure-t-elle. En parler mais aussi accepter la confrontation avec le réel, pour éviter de s’engager dans une impasse. « S’enfermer dans un raisonnement intuitif peut mener au désastre, prévient Olivier Sabot. Il est indispensable de le confronter à la réalité, par le biais d’une étude de marché par exemple, en acceptant à l’avance qu’une idée qui semblait géniale puisse se révéler mauvaise. » Quitte à revoir sa copie pour adapter son pressentiment à la réalité.