La reprise d’une entreprise mobilise énormément de moyens et d’énergie de la part du futur chef d’entreprise. Une activité qui ne lui permet pas toujours de tenir compte de la dimension psychologique de son choix. Pourtant, y accorder de l’attention peut éviter bien des mauvaises surprises aux repreneurs.
Trop absorbé par la recherche de financement, la découverte du fonctionnement de l’entreprise cible ou l’étude des conséquences fiscales et sociales de sa future condition de patron, le candidat à la reprise d’une entreprise peut facilement sous-estimer l’importance des aspects psychologiques de cette opération. Pourtant, le rôle de repreneur, au-delà des questions techniques, n’est pas toujours facile à assumer.
Repreneurs : restez vigilants pour éviter les blocages
« Cela peut se traduire par un frein au moment de l’achat, qui vient de la peur de ne pas être à la hauteur. Une inquiétude que l’on découvre petit à petit », raconte Murielle Caudie, expert-comptable membre de France Défi. Si au début du processus de reprise, le candidat fait preuve d’enthousiasme, ayant sélectionné le profil d’entreprise et le type d’activité qui l’intéressent, il découvre souvent petit à petit des aspects qu’il maîtrise moins. « Plus le bouclage approche, plus on va lui demander d’être intelligent sur tous les points où il faut l’être pour devenir chef d’entreprise et en s’apercevant qu’il n’est pas bon partout, le repreneur peut être tenté de faire marche arrière, décrit Murielle Caudie. S’il ne faut pas se lancer dans n’importe quel projet, notre rôle d’expert-comptable est aussi à ce moment-là de le rassurer, de montrer qu’il pourra s’appuyer sur nous ».
Reste que certains peuvent avoir le sentiment de se déguiser en endossant le costume de patron. « Lorsque les repreneurs sont des salariés, qui ne se sont jamais lancés à leur compte, on peut imaginer que ce statut leur convenait. Il faut donc qu’ils s’interrogent pour savoir pourquoi à ce moment cela les intéresse d’en changer », souligne Olivier Sanchez, associé chez Yzico, membre de France Défi.
Dans le cas où une transmission familiale est envisagée, le poids de l’histoire peut aussi être très lourd pour les enfants dont on attend qu’ils veuillent forcément reprendre l’entreprise. « J’ai suivi le cas d’une entreprise qui existe depuis la fin du XVIII° siècle et aujourd’hui les enfants ne veulent plus reprendre. C’est délicat pour le cédant qui aura mis fin à cette longue dynastie et en même temps il faut se mettre à la place des enfants sur lesquels pèse une contrainte de deux siècles d’histoire », raconte l’expert-comptable. Un devoir de reprise dont il est d’autant plus délicat de s’acquitter qu’il faudra, pour ce faire, tuer le père, et assumer à sa place le rôle du dirigeant.
Garder sa lucidité sur les nouvelles responsabilités
Mais les configurations les plus simples ne sont pas exemptes d’écueils psychologiques. Les candidats repreneurs ayant auparavant réussi une carrière de salarié, assumé des postes de managers, connaissant les aspects stratégiques d’une entreprise et décidant de se lancer à leur compte par le biais d’une reprise semblent ainsi a priori bien armés pour le faire. « Mais ils ont parfois tendance à idéaliser les avantages de la fonction de dirigeant, en connaissant déjà certains, et à en sous-estimer les inconvénients. Au final la transmission se passe bien sur le plan opérationnel mais les repreneurs peuvent être déçus », constate Olivier Sanchez. Ce même profil peut également mettre à mal un accord qui semblait bien parti faute de tenir compte de la psychologie du cédant. « Ils ont souvent l’impression de réaliser l’opération de leur vie, et vont être extrêmement exigeants dans les audits et les négociations, pour se rassurer. Cela peut finir par fatiguer le cédant voire lui déplaire vraiment si on ne lui parle de son entreprise que comme d’un bilan sur pattes alors que lui l’a bâti depuis trente ans », rappelle le spécialiste. Dans ces moments-là, le rôle des conseils pour rétablir la communication et éviter les tensions peut être primordial.