Transmettre son entreprise est une opération qui demande d’être bien préparée en amont sur le plan administratif et fiscal, mais aussi sur le plan psychologique. Pour le cédant, le départ de l’entreprise signifie un changement d’activité, mais également de statut, notamment social. Un aspect loin d’être anodin.
« Dans une transmission, on peut toujours trouver des solutions techniques, mais il est beaucoup plus difficile d’appréhender les aspects psychologiques et humains qui sont pourtant au cœur de ces opérations », assure Olivier Sanchez, expert-comptable associé chez Yzico, membre de France Défi.
Une étape psychologiquement délicate
Passer de la position de chef d’entreprise à celle de cédant peut en effet s’avérer très délicat pour le dirigeant. C’est peut-être pourquoi peu anticipent réellement cet événement. « Cela suppose, lorsque la transmission coïncide avec leur départ à la retraite, qu’ils acceptent d’ouvrir eux-mêmes la porte de sortie du monde professionnel, alors que ce sont souvent des hyperactifs. Hors des grandes villes, céder son entreprise, c’est en outre souvent renoncer à un certain statut, une position, où l’on connait le banquier, où l’on est vu comme un employeur », explique le spécialiste.
Transmettre c’est aussi accepter de rompre le lien avec son entreprise. « Lorsqu’on l’a bâtie à partir de rien ou quand on l’a reçue en héritage, qu’on y a consacré toute son énergie et sacrifié certains aspects de sa vie personnelle et familiale, c’est une vraie rupture », souligne Murielle Caudie, expert-comptable, membre de France Défi. Il en résulte parfois une crainte de dépossession, qui peut porter préjudice au processus de transmission si par exemple le cédant cherche à négocier une transition déraisonnablement longue ou à conserver un regard sur ce qu’il adviendra de l’entreprise après son départ. « L’un de mes clients souhaitait même m’offrir des parts dans la société car cela le rassurait que je puisse contrôler ce que ferait le repreneur », se rappelle la spécialiste. Pourtant pour que la transmission aboutisse, il est nécessaire que le cédant accepte à un moment de passer le relais.
La part non négligeable de l’affect
Les difficultés sont d’autant plus susceptibles d’apparaître que l’affect joue pour beaucoup dans le lien entre les hommes et l’entreprise, comme dans le cadre des transmissions familiales. « Avec une configuration similaire, on peut avoir des situations très différentes simplement du fait des aspects psychologiques », assure Murielle Caudie, prenant l’exemple de trois dossiers. À chaque fois, la société a été créée par les grands-parents, qui ont donné l’entreprise à leurs deux enfants. Sur les quatre petits-enfants, un seul y travaille aujourd’hui. « Dans le premier cas, la transmission se passe bien parce que les choses ont été posées et préparées depuis douze ans. Dans le deuxième, le petit-fils a annoncé en assemblée générale qu’il souhaitait reprendre l’entreprise et racheter toutes les parts sans en avoir parlé au préalable. Son oncle ne voit pas comment lui vendre ses parts. C’est un frein psychologique qui devrait être levé au fil du temps parce qu’il aura la volonté de permettre à son neveu de poursuivre l’histoire familiale. Dans le troisième cas, il y a un blocage complet parce que l’oncle donne une valeur financièrement disproportionnée à ses parts, qui est en fait une valeur affective », illustre-t-elle.
Anticiper et communiquer
Pour dépasser ces freins psychologiques, l’anticipation et la communication sont primordiales. Aux côtés du chef d’entreprise, l’expert-comptable peut l’aider à se préparer. « Notre posture d’accompagnement nous amène à évoquer très tôt les sujets qui fâchent, et dès lors que l’on arrive à les faire exprimer, il est possible de désamorcer les inquiétudes et les tensions, ce qui suppose aussi d’être très disponible et présent pendant tout le processus de cession », rassure la spécialiste.