Comment s’organiser au mieux ? Pas une entreprise qui, à un moment de son existence, ne se pose cette question cruciale. A la clef, tenter d’obtenir l’organisation la plus efficace c’est à dire la plus productive mais aussi celle qui satisfera au mieux au bien être de ses collaborateurs. Focus sur la philosophie des entreprises libérées.
L’idée court depuis quelques années et fait de plus en plus d’émules : il faut libérer l’entreprise ! Certes, mais la libérer de quoi ? Et comment ? Thématisée par Isaac Getz, professeur de leadership et d’innovation à ESCP Europe, et Brian M. Carney dans Liberté et Cie, Quand la liberté des salariés fait le succès des entreprises (Fayard, 2012), le concept d’ « entreprise libérée » décrit une forme organisationnelle de l’entreprise s’affranchissant des modèles de gouvernance classique. Et pour cause ! Voici comment les deux auteurs identifient le principal principe de l’entreprise libérée : les salariés sont totalement libres et responsables des actions qu’ils jugent bonnes d’entreprendre pour le bénéfice de l’entreprise.
Entreprises libérées : la fin du management vertical
Fini le système hiérarchique où les décisions sont prises par le haut pour ensuite être « exécutées ». Le modèle « Top down » (du sommet à la base) fait place à une structure horizontale où les collaborateurs s’autodirigent. Concrètement, l’autonomie de chacun est au centre de chaque décision et la transversalité est de mise. Tout repose sur la confiance, valeur cardinale de l’entreprise libérée. L’objectif est donc de décadenasser un management jugé trop vertical, ravalant le collaborateur au rôle d’exécutant. « Tout l’enjeu est de libérer les énergies, en réduisant toutes les couches de contrôle intermédiaires afin de donner aux collaborateurs des marges de manœuvres, une meilleure compréhension et une plus grande participation aux décisions de l’entreprise », explique Anne Marie Blayo, partner chez Eurosearch & Associés, cabinet de conseil en Ressources de Management. Plus impliqués, les salariés d’une entreprise seront plus motivés et plus performants. Le management horizontal d’une entreprise libérée est également censé favoriser les initiatives. « Cela renforce aussi l’agilité de l’entreprise et sa capacité à s’adapter à une demande toujours plus mouvante et rapide » précise l’experte.
Ni modèle, ni méthode
Un concept que l’on confond souvent avec celui d’ holacratie. Cette dernière définit un modèle d’organisation et de gouvernance de l’entreprise fondée sur l’intelligence collective et une organisation fractale d’équipes indépendantes. « La finalité est la même, explique Géraud Fontanié, partner chez Eurosearch & Associés. Mais l’holacratie est une méthode dont les processus sont établis très précisément, étape par étape, avec des outils collaboratifs, une « constitution » qui définit les rôles et les rapports entres les différents groupes. L’entreprise libérée est plutôt un état d’esprit. » Isaac Getz lui même reconnaît qu’il n’existe ni modèle ni méthode pour mettre en place un « leadership libérateur ». « L’entreprise libérée est une philosophie qui repose sur des croyances liées à la nature humaine : que les gens préfèrent la confiance au contrôle, que chacun ait des dons, que les hommes et les femmes préfèrent s’autodiriger que d’être dirigés. » explique t-il.
Les entreprises libérées s’invitent dans les grands groupes
De quoi faire sourire les plus sceptiques qui ont vite fait de taxer la démarche d’utopiste. Seulement voilà, plus de 300 entreprises en France ont été convaincues. Et pas seulement des start-up ! De grands groupes comme Michelin, Airbus et Décathlon mais aussi des groupes familiaux comme Kiabi et de nombreuses PME ou encore des caisses de la sécurité sociale ou des organismes publics de gestion social ont tenté l’expérience. Pas toujours sans difficulté. Car passer d’un management du contrôle à une gouvernance de confiance ne se fait pas sans écueil ni sans dysfonctionnement. « Changer toute une organisation ne va pas de soi. Si la démarche n’est pas pilotée et relayée à tous les niveaux elle est vouée à l’échec. Il peut arriver que le management intermédiaire se sente menacé et freine l’initiative. Ce n’est pas parce qu’on décrète que l’entreprise doit être libérée que les modes de fonctionnement se transforment du jour au lendemain », constate Anne Marie Blayo. Si les entreprises libérées revendiquent souvent un accroissement de leur productivité et de leur chiffre d’affaire, il reste néanmoins difficile d’établir un bilan chiffré global. Or, in fine, seuls les résultats décideront du prix de la liberté retrouvée.