Que ce soit pour vivre avec son temps ou augmenter le bien-être de ses salariés et leurs résultats, la question du management mérite d’être posée. Manager autrement, pourquoi pas, mais reste ensuite à définir ce qui est possible…
Manager autrement, pour quoi faire ? « Si c’est une utopie, elle remonte déjà à plusieurs siècles… », constate Pascal Mailliart, président de la société de conseil en ressources humaines Roosevelt RH, membre du groupement France Défi. Passionné par les questions de management, cet ancien DRH évoque une réflexion déjà ancienne. « Après tout, Machiavel n’a-t-il pas été l’un des premiers, au XVIe siècle, à établir une théorie sur l’art de manager les hommes ? Si l’ère industrielle vénérait le taylorisme, le XXe siècle a vu fleurir toutes les principales théories pour, plus récemment, développer des réflexions autour de modes plus groupaux comme l’holacratie (qui entend rapprocher les processus de décision de la base en s’appuyant sur l’intelligence collective, ndlr). » Cet expert définit le management comme une équation à résoudre propre à chaque organisation. « Une entreprise doit aller d’un point A à un point B avec ses ressources humaines. L’enjeu est alors de dessiner la ligne la plus pertinente pour y parvenir, en fonction des paramètres propres à sa culture, son environnement et aussi son époque… »
Loin d’être figé, le management doit en effet, avant tout, vivre avec son temps (lire aussi notre article sur les entreprises libérées). Ironie de l’histoire, certains linguistes se sont demandé si le terme « management » ne devait pas son étymologie au mot français « manège », entendu au sens ancien de « faire tourner un cheval dans un manège ». Peu importe si le débat n’est pas tranché : cette acception n’est plus possible. « La vision du salarié « au pas » a vécu, analyse Bernard Marie Chiquet, fondateur du cabinet IGI Partners. Le management a longtemps été basé sur l’idée d’une hiérarchie très verticale. Mais on commence à penser autrement… » Patrice Ras confirme. « Il y a encore des entreprises avec un mode de management très paternaliste, voire basé sur la terreur, témoigne ce consultant en entreprise. Mais à côté de cela, il y a aussi des entreprises très en avance et très ouvertes à de nouvelles réflexions sur le bien-être de leurs salariés. Elles ont aussi compris que des salariés épanouis étaient 30 % plus efficaces… »
Manager autrement : du management vertical à l’intelligence collective
Et pour cela, les manageurs auront l’embarras du choix : du « codéveloppement » (où chaque collaborateur peut apprendre des autres) au « World cafés » (qui reposent sur une forme inédite de démocratie participative), en passant par l’ « holacratie », l’intelligence dite « collective » est à la mode. Mais pour autant est-elle réaliste ? « Ce n’est pas toujours évident car beaucoup de manageurs considèrent leur posture hiérarchique comme un acquis social, tout comme certains salariés ne veulent pas forcément s’impliquer davantage », reconnaît Bernard Marie Chiquet. Mais pour cet expert, ces utopies méritent toujours réflexion. « A l’heure où beaucoup de salariés se sentent mal utilisés ou frustrés, on peut vraiment booster l’efficacité d’une entreprise en travaillant autrement. » Au minimum, Pascal Mailliart recommande davantage de flexibilité dans son approche managériale. « Le rôle d’une organisation et de sa gouvernance est de donner du sens et un cap commun pour fédérer des individualités. » Mais pour cela, nul besoin, selon lui, d’appliquer nécessairement une seule théorie. « Il ne faut surtout pas considérer le management comme une recette de cuisine que l’on appliquerait à la lettre. En revanche, on peut s’inspirer de toutes ces réflexions et utiliser plusieurs ingrédients de façon pragmatique. » Ou comment rêver à un autre management… de façon réaliste.