Si le versement de primes part d’une bonne intention de l’employeur, ce dernier peut vite se retrouver coincer juridiquement si le cadre de leur obtention est mal établi.
Bien qu’elles soient en grande partie encadrées par les conventions collectives, les primes peuvent aussi être versées individuellement ou à des groupes d’employés, dans un souci de fidélisation et de gratification, sur décision du chef d’entreprise.
Les formes peuvent être nombreuses. Par exemple, la prime d’ancienneté a pour vocation de récompenser la fidélité du personnel et de favoriser la stabilité des effectifs, la prime d’objectif vient gratifier les performances et résultats individuels, la prime d’assiduité valorise la présence régulière du collaborateur…
Prévues par la convention collective ou le dirigeant?
Certaines primes sont liées au quotidien du salarié et aux conditions d’exercice de son travail. Elles sont inscrites dans la convention collective, l’accord de branche comme la prime froid, la prime de nuit ou la prime de risques. Le montant et le versement de plusieurs d’entre elles dépendent du chef d’entreprise à l’instar de la prime d’objectif ou de la prime mariage. Dans bien des cas, le dirigeant n’est pas toujours libre de les modifier ou les supprimer à sa guise.
Il faut d’abord distinguer deux familles de primes : les primes systémique ou d’usage, et les primes occasionnelles ou exceptionnelles. C’est en ne faisant pas clairement la différence que, bien souvent, le chef d’entreprise se retrouve coincé, ne pouvant faire machine arrière.
Attention aux primes d’usage
« A partir du moment où une prime devient répétitive, qu’elle s’adresse à l’ensemble du personnel, il faut que l’employeur ait conscience que, sans le savoir, il crée un usage. Et que les salariés sont en droit, même si les résultats en fin d’année ne sont pas bons, de l’exiger », prévient Jean-Michel Abeille, expert-comptable et fondateur associé du cabinet ACA Consult, membre du groupement France Défi. Conséquence, la prime devient dans ce cas partie intégrante du salaire. Elle doit donc être prise en compte dans le calcul des congés payés. L’expert déconseille également formellement de compenser des heures supplémentaires par une prime exceptionnelle.
A quel moment, donc, une prime devient-elle systémique ? « Il faut prendre le problème à l’opposé, rappelle Jean-Michel Abeille. Pour qu’une prime garde un caractère exceptionnel, il faut qu’elle fasse référence à un évènement précis ou à un effort particulier qu’a fourni un salarié en vue de l’aboutissement d’un projet: une prestation pour tel client, l’obtention d’un gros contrat etc. Il faut pouvoir démontrer le caractère ponctuel et exceptionnel. »
Des primes motivées de manière objective
Pour éviter toute accusation de favoritisme ou de discrimination, notons qu’une prime exceptionnelle doit être motivée de manière objective. A contrario, une prime de vacances ou un treizième mois devient très vite un usage, avec toutes ses conséquences : les salariés qui s’en vont avant son versement sont en droit de demander un prorata. Du moins tant que les règles d’obtention des primes ne sont pas exprimées très clairement. A ce titre, Jean-Michel Abeille conseille au chef d’entreprise de se faire accompagner, « par son expert-comptable ou par un avocat spécialisé en droit social, qui aidera à mettre en place la politique de primes qui convient le mieux à son intention. » Et à la traduire dans les paramètres du droit social français, pour éviter les déconvenues.