Le reverse mentoring – ou tutorat inversé – bouscule les codes du management et permet aux différentes générations de mieux interagir.
En septembre, du haut de ses 24 ans, Sophia Lim est devenue… présidente du Groupe Adecco. Certes, en tandem et pour une durée d’un mois seulement. Dans le cadre d’un programme de reverse mentoring, la jeune femme a eu l’opportunité de travailler avec son PDG, Alain Dehaze, de l’accompagner en rendez-vous clients et de participer aux revues opérationnelles du monde entier. « Cet apprentissage pratique constitue l’une des meilleures façons pour ma génération de s’initier aux postes de direction et de préparer la relève », observe l’intéressée.
Du point de vue de la direction, le programme n’est pas si désintéressé non plus. « Dans une logique de reverse mentoring, je vais également profiter de ses analyses et de ses points de vue sur le futur du marché de l’emploi et du leadership, témoigne Alain Dehaze. Le monde du travail est en mutation et la technologie transforme la façon dont nous accomplissons nos tâches. Les compétences du dirigeant évoluent donc elles aussi. »
Reverse mentoring, d’une génération à l’autre
Avec le reverse mentoring, littéralement le tutorat inversé, les jeunes, aussi, inspirent leurs aînés. Il s’agit d’une autre façon de travailler soufflée par les générations « Y » (née entre 1980 et 1995) voire « Z » (née après 1995). Il suffit de les avoir côtoyées pour savoir que leur agilité digitale et pratique intuitive des réseaux sociaux changent tout. « Nous assistons à un chassé-croisé entre quatre générations qui ne s’était jamais produit avant, observe Arnaud Benitah, coach et auteur du guide La boîte à outils du dialogue en entreprise (ed. Dunod). Or, chaque génération vient travailler avec son expérience et son vécu. » Concrètement, chacune peut apprendre de l’autre… dans les deux sens.
Un groupe peut inspirer ses aînés avec une approche différente en termes de stratégie comme l’illustrent les expériences de « Shadow Comex », c’est-à-dire de Comex parallèles aux comités de direction, où des équipes plus jeunes réfléchissent aux mêmes problématiques
Réinventer les relations
Toute entreprise peut ainsi promouvoir le reverse mentoring de façon plus ou moins formelle. Elle peut se faire accompagner par un coach ou un cabinet extérieur selon sa taille et les problématiques à aborder. Elle peut aussi réinventer et redessiner certaines relations existantes. « Quand un jeune travaille en alternance, il apprend de ses aînés, explique Julien Pouget, consultant chez JP & Associés et spécialiste du management intergénérationnel. Or, par la même occasion, rien n’empêche un jeune d’éclairer en même temps un senior sur un sujet ou l’utilisation de certains outils informatiques par exemple. Dans des organisations plus plates et moins pyramidales, chacun a quelque chose à gagner de l’expérience de l’autre. »