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Télétravail : des risques spécifiques pour la santé mentale

Publié le jeudi 10 avril 2025 à 14h05
Par Jessica Berthereau, Accroche-press’ pour France Défi
Experts & Décideurs Ressources humaines Management Télétravail : des risques spécifiques pour la santé mentale

Pratiqué par un quart des salariés, le télétravail peut être une source de risques psychosociaux s’il n’est pas accompagné.

Modalité d’organisation du travail qui s’est répandue en France à partir de la fin des années 1990, le télétravail concerne aujourd’hui environ un salarié du privé sur quatre. La part des salariés le pratiquant occasionnellement a ainsi presque triplé entre 2019 et 2023, passant de 9 % à 26 %, selon les derniers chiffres de la Dares.

La crise sanitaire liée au covid-19 a marqué une rupture en accélérant la diffusion du télétravail mais aussi en changeant sa nature. « On ne parle plus du même télétravail », insiste Laurent Taskin, professeur à l’université catholique de Louvain, dans son ouvrage Le Télétravail, un mode de vie (Les Presses de Sciences po, 2025). Quand le télétravail pré-covid-19 représentait « un temps d’isolement choisi propice à un travail de concentration », celui d’aujourd’hui se traduit par « une journée (au minimum) de substitution à celle du bureau, avec ses interruptions, ses réunions, ses échanges non planifiés, etc. », explique le chercheur.

 

Trois facteurs principaux

Cette évolution du télétravail a des implications importantes en matière de risques psychosociaux (RPS). Dans la littérature, trois principaux facteurs de RPS ont été identifiés, listés dans une note récente de la Dares : la distanciation sociale, l’intensification du travail et la difficile articulation entre vie professionnelle et vie familiale. En effet, si le télétravail a tendance à faciliter une plus grande autonomie, il entraîne aussi « une distanciation spatiale ainsi qu’une diminution des interactions sociales et des relations professionnelles », ce qui « pèse sur le collectif de travail ou sur l’individu », souligne la note de la Dares. Si elle se prolonge, cette solitude peut entraîner « un sentiment de déconnexion sociale, une réduction des occasions de socialisation dans le cadre professionnel et, in fine, une diminution du bien-être émotionnel. »

Surcharge mentale et épuisement

Le deuxième facteur de risque concerne l’intensité du travail, qui est l’une des principales dimensions des risques psychosociaux. Selon la revue de la littérature effectuée par la Dares, le télétravail n’augmente pas nécessairement l’intensité du travail mais celle-ci peut se manifester par une amplitude plus large des horaires, une complexité à gérer la charge de travail dans une organisation hybride et une hyperconnectivité. « Ces trois facteurs augmentent le risque de surcharge mentale et d’épuisement professionnel », souligne la Dares. Les personnes en télétravail peuvent notamment entrer dans un « mécanisme de redevabilité », c’est-à-dire se sentir obligées de travailler davantage ou d’accroître leurs efforts pour prouver leur engagement professionnel.

Une articulation vie professionnelle-vie personnelle parfois brouillée

Le dernier facteur de risque a trait à l’articulation entre vie professionnelle et vie familiale. S’il est souvent décrit comme un facilitateur de la conciliation entre le temps professionnel et le temps personnel (réduction des temps de transport, flexibilité des horaires, disponibilité familiale accrue…), le télétravail peut aussi engendrer un brouillage des frontières entre les deux. « On parle d’équilibre entre vie privée et vie professionnelle – en travaillant chez soi, on combine l’activité de travail et l’activité domestique – alors qu’il faudrait davantage parler de confusion entre espace-temps domestique et espace-temps professionnel », relève ainsi Laurent Taskin. La note de la Dares pointe le fait que cette difficile articulation concerne plus particulièrement les mères.

Des modalités à définir et un accompagnement à ne pas négliger

L’existence de ces différents facteurs de RPS « ne signifie nullement qu’ils surviendront certainement dans le quotidien des télétravailleurs et télétravailleuses », souligne en conclusion la note de la Dares. Des études ont d’ailleurs montré des effets bénéfiques du télétravail sur la santé et le bien-être psychologique : réduction du stress professionnel, meilleure concentration, accroissement de la qualité de vie au travail… « L’enjeu réside donc dans la prévention, estime Laurent Taskin. L’accroissement de la charge de travail, l’hyper-connectivité et l’isolement professionnel constituent des sources de risques psychosociaux qu’une formalisation des modalités de mise en œuvre du télétravail et qu’un accompagnement des salariés peuvent prévenir. »