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Droit de retrait du salarié : quelles sont les règles ?

Publié le jeudi 19 septembre 2024 à 17h08
Par Marion Perrier, Accroche-press’ pour France Défi
Experts & Décideurs Ressources humaines Négociations et conflits Droit de retrait du salarié : quelles sont les règles ?

Deux jurisprudences récentes reviennent sur le cadre d’utilisation du droit droit de retrait du salarié et les possibilités de la sanctionner lorsqu’il est exercé abusivement.

Inscrit à l’article L4131-1 du Code du travail, le droit de retrait permet à tout salarié qui s’estime en danger de quitter son poste de travail. Ce droit peut être mobilisé dans les situations où le ou les salariés ont un « motif raisonnable » de penser que leur situation de travail présente « un danger grave et imminent » pour leur vie ou leur santé.

La rédaction du Code du travail laisse donc l’évaluation du danger à l’interprétation du salarié. Il n’a pas à démontrer la réalité du risque mais doit se sentir menacé par la situation. Ce droit peut ainsi être mobilisé en raison d’un matériel non conforme, de températures de travail trop chaudes ou trop froides, d’un risque d’agression physique ou verbale ou par exemple parce que les équipements de protection individuelle nécessaires n’ont pas été fournis au salarié.

Une limite est tout de même poser à l’exercice du droit de retrait : il ne doit pas « créer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent ».

Informer et rester à disposition de l’employeur

Lorsqu’il souhaite mettre son droit de retrait en application, le salarié est tenu d’alerter immédiatement l’employeur. Mais la loi ne prévoit pas de formalisme spécifique pour cette alerte : il peut informer son employeur par tout moyen, y compris verbalement.

Si le salarié peut quitter son poste ou refuser de le prendre, il doit alors rester à la disposition de son employeur. Il n’est pas question de rentrer chez lui mais il a la possibilité de quitter son lieu de travail pour rejoindre un espace sûr.

L’employeur peut l’affecter à un autre poste, en tenant compte de ses compétences, le temps de régler la situation, c’est-à-dire le temps de mettre en place les actions nécessaires pour écarter le danger. Il ne peut ordonner la reprise des activités sur les postes visés qu’une fois les mesures de prévention nécessaires mises en place.

Pas de sanctions…si l’exercice du droit de retrait est légitime

Dès lors que le salarié a exercé son droit de manière légitime, il ne peut faire pour cela l’objet de sanctions, ni de retenue de salaire. Cependant, ce peut être le cas s’il a recouru à ce droit de manière abusive. En la matière, deux décisions récentes ont précisé les possibilités pour l’employeur qui estime que le recours au droit de retrait du salarié n’était pas justifié.

La Cour de Cassation s’est ainsi penché sur le cas d’une compagnie aérienne qui avait procédé à des retenues sur salaires pour du personnel naviguant ayant appliqué son droit de retrait. Dans un arrêt du 22 mai 2024, la Cour a estimé que « lorsque les conditions de l’exercice du droit de retrait ne sont pas réunies, le salarié s’expose à une retenue sur salaire, sans que l’employeur soit tenu de saisir préalablement le juge du bien-fondé de l’exercice de ce droit par le salarié ».

Si cette décision valide la possibilité de procéder à des retenues salaires sans attendre une décision de justice quant au caractère abusif ou non du droit de retrait, elle n’empêche pas la possibilité pour les salariés concernés de se tourner vers le juge pour obtenir la reconnaissance du bien-fondé de l’exercice de leur droit de retrait et ensuite le remboursement de la retenue de salaire opérée.

 

Quelques jours après cette décision de la Cour de Cassation, le Conseil d’Etat a lui aussi eu à se prononcer sur une affaire en lien avec le droit de retrait. Il a validé l’autorisation administrative donnée à un employeur de procéder au licenciement pour motif disciplinaire d’un salarié protégé ayant utilisé son droit de retrait de manière abusive.

Il s’agissait d’un chauffeur livreur ayant à plusieurs reprises exercé son droit de retrait, « alors qu’il n’était qu’observateur des procédures de chargement et de déchargement en cours, au motif que l’employeur n’avait pas mis à sa disposition un « pull » et un « tee-shirt » en complément de sa veste et de son pantalon de protection, alors qu’il ressort de la notice des équipements de protection qu’il est seulement ‘souhaitable de porter, sous (la) tenue de protection, des matières qui ne risquent pas de fondre en cas d’élévation de température’ et ‘déconseillé de porter la tenue à même la peau’ ».

La mobilisation à deux reprises par ce salarié de son droit de retrait dans des conditions ne le justifiant pas a ainsi été jugée suffisamment fautive pour autoriser un licenciement.