Avec la série d’attentats qui ont endeuillé la France depuis janvier 2015, le risque terroriste est dans toutes les têtes. Une menace que les entreprises doivent aussi prendre en compte.
La rédaction d’un journal, un supermarché, une imprimerie, une société de livraison, une salle de spectacles, des cafés… Depuis 2015, plusieurs entreprises ont été confrontées d’une manière ou d’une autre au terrorisme. Même si le risque est diffus, impossible pour les directions de ne pas le prendre en considération. « Les employeurs ont une obligation de résultat en matière de sécurité. Cette notion intègre une dimension de sûreté des personnes », rappelle l’avocat Sébastien Millet, spécialiste en Droit du travail au sein du cabinet bordelais Ellipse Avocats. D’ailleurs, dans des attaques visant des salariés français à l’étranger, des employeurs ont été condamnés pour ne pas leur avoir fourni une protection suffisante. « Il n’est pas exclu de voir apparaître des contentieux de ce type pour des attentats ou tentatives d’attentats commis en France », note encore Sébastien Millet.
Procéder à une évaluation du risque terroriste
Pas simple de se saisir d’une problématique presque virtuelle. Dans certains secteurs comme les transports en commun, l’industrie chimique ou les commerces accueillant un public nombreux, des mesures ont déjà été prises. « Mais dans d’autres activités, au-delà même des aspects juridiques, les salariés peuvent avoir des inquiétudes auxquelles il faut répondre », assure Sébastien Millet. Au minimum, comme c’est déjà le cas pour le risque routier ou le risque chimique, une évaluation du risque terroriste doit être réalisée, intégrée au Document unique (DU), et déclinée dans un plan d’actions. « Les mesures de prévention reposent sur plusieurs axes, sachant que tout se joue dans les premières minutes : la préparation, la dissuasion et la protection passive de l’intégrité des personnes. Cela implique de s’interroger sur les modalités de surveillance (contrôle des visiteurs, vidéosurveillance…), d’alerte, d’évacuation ou de confinement au travers de dispositifs de protection collective. Le budget à allouer dépend bien sûr du niveau de risque raisonnable », détaille Sébastien Millet. Au minimum, en cas de risque faible, il est recommandé de sensibiliser et de diffuser au personnel des consignes à appliquer en cas d’intrusion suspecte ou d’attaque. En fonction du contexte, l’inaction ou la défectuosité des dispositifs de sécurité pourrait conduire le CHSCT (comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) à solliciter une expertise pour risque grave.
En cas de danger grave et imminent, un droit de retrait pour les salariés
De leur propre chef, les salariés peuvent aussi exercer un droit de retrait si la situation l’exige, individuellement ou collectivement. Un droit qui implique le respect de certaines conditions : ils doivent le signaler immédiatement à leur employeur et ne pas créer, en quittant leur poste, une nouvelle situation de danger grave et imminent pour autrui. « En cas d’attentat à proximité du lieu de travail, il sera difficile de contester que le salarié ait pu avoir un motif raisonnable de s’estimer en situation de péril. A chaud et dans la panique, sans doute est-il difficile d’avoir les idées claires, d’autant que la réalité peut être amplifiée en temps réel par les réseaux sociaux », relève Sébastien Millet. En pratique, on imagine mal un employeur reprocher un abandon de poste à un collaborateur traumatisé si un attentat a été commis à proximité de son entreprise… Et qu’en est-il en cas de fausse alerte, comme cela s’est passé en septembre dans le centre de Paris ? Dans la mesure où les autorités elles-mêmes avaient lancé une alerte officielle, pour des salariés travaillant dans la zone concernée, le droit de retrait semble légitime. « Pour autant, le simple sentiment d’insécurité face à la menace diffuse d’attentat ne justifie pas l’exercice du droit de retrait », conclut Sébastien Millet. En d’autres termes : celui-ci s’apprécie dans des circonstances limitées.