Des décisions de la Cour de Cassation modifient les règles relatives notamment à l’acquisition de congés payés.
En matière de congés payés, « le droit français n’était pas conforme au droit européen, cela fait des années que nous le savions », rappelle Camille Lindner, juriste en droit social au sein du groupe MG, membre de France Défi. Avec une série de décisions rendues le 13 septembre dernier, la Cour de Cassation corrige cette situation et « garantit une meilleure effectivité des droits des salariés à leur congé payé », selon le communiqué publié à l’occasion.
Un premier changement concerne l’acquisition de jours de congés payés pendant l’arrêt de travail d’un salarié malade ou accidenté. « Avant cette décision de la Cour, on faisait une distinction entre maladie professionnelle et maladie non professionnelle. Selon le code du travail, l’arrêt pour maladie non professionnelle n’était pas considéré comme du temps de travail effectif permettant l’acquisition de congés payés », explique Camille Lindner.
Sauf disposition contraire de la convention collective, un collaborateur absent pour maladie non professionnelle n’acquérait pas de congés payés pendant cette période. Si l’arrêt était lié à une maladie professionnelle ou un accident du travail, des droits à congés payés étaient acquis mais seulement dans la limite d’un an d’arrêt.
Droit au repos
En s’appuyant sur le droit européen qui garantit aux salariés un droit au repos, la Cour est revenue sur ces règles. « Le droit européen « assimile » la période de maladie à un temps de travail effectif et distingue l’absence pour maladie, involontaire, à l’absence pour repos », précise la juriste. D’après la décision de la Cour, les salariés malades ou accidentés pourront donc acquérir des congés pendant leur période d’absence et ce, sans limite de durée.
La Cour de Cassation a également précisé les règles concernant les délais de prescription pour la réclamation d’indemnités de congés payés. « La prescription est normalement de trois ans, comme pour l’ensemble des actions en paiements et réclamation de salaire », rappelle Camille Lindner. La Cour précise que cela ne vaut que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congé.
En l’occurrence, sa décision concernait une affaire dans laquelle une enseignante ayant exercé pendant dix ans pour un organisme de formation privé avait demandé et obtenu la requalification de sa prestation en contrat de travail à durée indéterminée. Pendant ces dix années, elle n’avait pas pu prendre ses congés, l’organisme n’ayant pas reconnu l’existence d’un contrat de travail. La Cour a considéré que la prescription ne pouvait dès lors commencer à courir. Elle a censuré la Cour d’appel qui avait décidé que cette enseignante devait être indemnisée mais seulement pour les trois dernières années avant la reconnaissance de son contrat de travail.
Congés pays : un cas de report possible
Une autre décision a trait au droit aux congés payés du salarié en congé parental d’éducation.
La Cour dit que les congés payés acquis par le salarié avant son départ en congé parental d’éducation doivent bénéficier du droit au report. Jusqu’à présent, ces droits s’ils n’avaient pas été pris pendant la période de prise de congé étaient perdus.
Les décisions de la Cour de Cassation s’imposant aux tribunaux, ces nouvelles règles devront désormais être appliquées par les prud’hommes en cas de litige. Pour les entreprises, les adopter implique de revoir les modalités de calcul du compteur de congés payés des salariés. « Les logiciels de paie vont sans doute mettre en place des modules adaptés », pointe Camille Lindner qui souligne que ces décisions constituent « un grand chamboulement ». Elles permettent aux salariés – et notamment ceux absents longtemps pour maladie – d’acquérir plus de droits aux congés payés, l’enjeu financier et organisationnel est donc potentiellement considérable pour les entreprises.