Quelles sont les obligations d’une entreprise pour le transport des salariés ? L’épidémie de Covid-19 est toujours là, et le télétravail perdure, mais la question reste posée pour tous les collaborateurs. Des outils favorisant une mobilité durable existent désormais.
La rentrée 2020 est marquée du sceau de l’incertitude. Face à la recrudescence des cas de Covid-19 dans l’Hexagone des dernières semaines, le gouvernement a indiqué que le télétravail demeure une solution à privilégier. Mais de nombreux salariés ont déjà repris le chemin de leur entreprise, et tous les métiers ne se prêtent pas au travail à distance.
Dans ce contexte, des entreprises ont changé leurs habitudes pour le transport de leurs salariés. Par exemple, en proposant des places de stationnement temporaires pour les « vélotaffeurs », ou bien en étalant les heures de départ et d’arrivée au bureau – début mai, le Medef Île-de-France a signé une charte avec les élus franciliens et deux syndicats, pour favoriser cette pratique.
Transport des salariés : deux modalités de prise en charge des frais
Globalement, deux modalités de prise en charge des frais liés aux trajets domicile-travail sont possibles. La prise en charge par l’employeur des frais d’abonnement aux transports collectifs ou de services publics de location de vélos, par exemple, est obligatoire. L’employeur – de droit privé ou public – doit prendre en charge 50% du prix des titres d’abonnements souscrits par ses salariés pour l’intégralité du trajet entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accompli au moyen de services de transports publics, même si plusieurs abonnements sont nécessaires à la réalisation de ce trajet (train + bus par exemple).
Tous les salariés sont concernés, y compris les salariés à temps partiel. En cas de mi-temps ou plus, le salarié est remboursé dans les mêmes conditions que les salariés à temps complet. Et en cas d’horaire inférieur à un mi-temps, le salarié bénéficie d’une prise en charge au prorata du nombre d’heures travaillées par rapport à un mi-temps.
L’employeur peut également prendre l’initiative de prendre en charge les frais de transport personnel. Elle doit alors être prévue par un accord collectif (s’il y a un délégué syndical désigné dans l’entreprise) ou par une décision de l’employeur. La prise en charge prend la forme d’une « prime carburant » couvrant tout ou partie des dépenses de carburant (ou des frais d’alimentation d’un véhicule électrique) des salariés sous certaines conditions et limites. L’employeur peut aussi faire le choix de verser une indemnité kilométrique calculée selon le barème des « frais professionnels » publié par l’administration fiscale. Le régime social de cet avantage diffère selon que les salariés sont contraints ou non d’utiliser leur véhicule personnel. La prise en charge peut également couvrir les déplacements effectués à vélo ou des services de mobilité partagée.
Le forfait mobilités durables : 400 € exonérés d’impôt sur le revenu et de cotisations
En matière de mobilité et de transport, les employeurs disposent donc d’une certaine latitude. Et depuis le déconfinement, ils disposent même d’un nouvel outil. Le ministère de l’Écologie a en effet invité les entreprises à mettre en place le « forfait mobilités durables ». Un décret publié le 10 mai au Journal officiel a entériné son utilisation pour les employeurs du privé. Bien qu’encore peu utilisé, l’outil a séduit des sociétés de tailles variées. EDF, par exemple ou Naturalia, mais aussi de petites structures. Klaxit (covoiturage courte distance), PMP (conseil en stratégie) et Patchwork (espaces de coworking) l’ont ainsi adopté, via la carte de crédit dédiée à la mobilité de Betterway.
Le forfait mobilités durables permet à l’employeur de prendre en charge de manière facultative les frais de déplacement des salariés qui se rendent au travail à vélo, en covoiturage (en tant que conducteur ou passager) ou grâce à des engins de déplacement personnels, en location ou en libre-service, comme les scooters et les trottinettes électriques. Son montant maximum est de 400 euros par an et par salarié, exonérés d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales. Il doit être mentionné sur la fiche de paie. Par ailleurs, le décret étend la prise en charge par l’employeur des frais de carburant du salarié (« les frais d’alimentation d’un véhicule électrique, hybride rechargeable ou hydrogène », indique le texte).
Il est possible de cumuler ce forfait avec la prise en charge des abonnements de transports publics ou de services publics de location de vélo ainsi qu’avec la prise en charge des frais de carburant et des frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène, dans la limite globale de 400 euros par an et par salarié. L’employeur doit en faire bénéficier l’ensemble des salariés éligibles selon les mêmes modalités.
Les modalités pratiques de mise en place du forfait
Pour mettre en place le forfait mobilités durables, l’entreprise peut passer par un accord collectif. L’accord d’entreprise ou de branche définit le montant et les modes d’attribution du forfait mobilités durables par l’employeur à ses salariés. En l’absence d’accord, l’employeur définit lui-même le montant et les modes de prise en charge des frais de déplacement par le forfait mobilités durables. Il doit consulter le comité social et économique (CSE).
Si l’employeur change ses caractéristiques, il doit en avertir les salariés au moins un mois à l’avance. De son côté, le salarié doit fournir une attestation sur l’honneur ou un justificatif d’utilisation d’un mode de transport visé par le forfait.
À noter. Les salariés à temps partiel sont également concernés. Pour eux, la prise en charge dépend de la durée de leur travail. Si la durée est inférieure à 50% de la durée légale du travail, la prise en charge de l’employeur est proportionnelle à cette durée de travail. Dans le cas inverse, le forfait s’applique comme pour un salarié à temps complet.
Le forfait mobilités durables remplace l’indemnité kilométrique vélo (IKV) mise en place jusqu’alors, mais le décret du 10 mai prévoit le maintien de cette prise en charge lorsqu’elle est en vigueur dans les entreprises et prévue dans les accords salariaux existants. Les employeurs qui versent aux salariés l’indemnité kilométrique vélo peuvent continuer à le faire. Ce versement est alors assimilé au versement du forfait mobilités durables.
Transport des salariés : le vélo de fonction, une solution qui progresse
Les employeurs proposent parfois des voitures de fonction, mais qu’en est-il du vélo du fonction ? Cette possibilité est offerte à toutes les entreprises, et elle ne séduit pas que les mastodontes du CAC40, constate-t-on chez Zenride. Difficile toutefois de savoir combien se sont lancés. 1 000 entreprises, croit savoir la société spécialisée dans le vélo d’entreprise et de fonction. « Chaque mois, 30 à 50 entreprises nous sollicitent », se réjouit Thomas Beaurain, son directeur général. La crise sanitaire est passée par là. Le promoteur immobilier Kaufman & Broad, l’assureur Euler Hermès et l’agence Havas Sports & Entertainment, notamment, ont opté pour cette formule.
Les tarifs restent accessibles : comptez autour de 20 à 30 euros mensuels par vélo, ou quelques euros de plus s’il est électrique (le tarif comprend l’antivol, l’assurance, l’entretien et l’assistance). Par ailleurs, l’entreprise bénéficie alors d’un avantage fiscal : une réduction d’impôt sur les sociétés de 25 % du coût de la location pour un contrat d’au moins 36 mois, ou, en cas d’achat des vélos, de 25 % du montant en dotation aux amortissements.
Mais des évolutions sont possibles, sinon probables, à la suite de l’annonce du plan de relance gouvernemental, la première semaine de septembre. Des mesures pourraient avoir un impact sur le transport des salariés, et notamment sur le cadre du forfait mobilités durables (plafonnement, caractère obligatoire). Il sera aussi intéressant de suivre de près les mesures législatives et réglementaires consécutives aux travaux de la Convention citoyenne pour le climat, qui souhaite, par exemple, porter le fonds vélo de 50 millions d’euros à 200 millions par an. Un projet de loi est attendu en janvier 2021 au Parlement.