Débaucher un salarié d’un concurrent n’a rien d’illégal. À condition de respecter certaines règles.
Contrairement aux idées reçues, recruter chez le voisin ne concerne pas uniquement les grandes entreprises ou les start-up des secteurs de niche. «Tous les secteurs sont concernés et d’autant plus ceux qui connaissent une forte pénurie de main d’œuvre comme l’hôtellerie ou le bâtiment », souligne Dominique-Pierre Laganne, expert-comptable et commissaire aux comptes au sein du cabinet Girondec, membre de France Défi.
Débaucher un salarié, une pratique encadrée
Débaucher un salarié n’a rien d’illégal à condition de rester dans les clous.
Il faut distinguer le recrutement fautif de celui qui ne l’est pas. Il y a deux critères pris en compte par le législateur : une embauche accompagnée de manœuvres déloyales et d’une désorganisation de l’entreprise, avec un réel préjudice
Par exemple, si la perte du salarié entraîne une brutale baisse du chiffre d’affaires jusqu’à mettre en péril la société, ou si l’entreprise concurrente recrute plusieurs salariés d’un même service en peu de temps… Dans ce cas, l’employeur lésé ne se privera pas de riposter en attaquant en justice le nouvel employeur.
Jugement au cas par cas
« Dans tous les arrêts concernant des affaires de ce type, le juge va apprécier les circonstances du recrutement du salarié et les conséquences pour l’entreprise victime », souligne l’expert-comptable, pour qui le meilleur moyen de rester dans la légalité est de « passer une annonce pour obtenir des candidatures ». Dominique-Pierre Laganne cite le cas d’une entreprise sur le déclin, qui voyait ses salariés partir les uns après les autres à la concurrence. « La nouvelle entreprise n’a pas été reconnue en faute de débauchage. Les salariés sauvaient leur peau… Il y a des règles générales, mais c’est le plus souvent du cas par cas à l’appréciation des tribunaux. »
Attention aux clauses de non-concurrence
L’autre écueil de taille serait de ne pas respecter les clauses du contrat de travail du salarié. L’exemple le plus connu est la clause de non-concurrence. « C’est l’exemple type de la faute à ne pas commettre. Mieux vaut se renseigner sur le contenu du contrat de travail », note Dominique-Pierre Laganne.
Le but de cette clause, qui répond à des conditions d’application précises et proportionnées, est d’empêcher le salarié qui vient de quitter un employeur de retravailler immédiatement pour un concurrent. Celle-ci est limitée dans le temps, dans l’espace (une zone géographique) et à un activité spécifique. « Généralement, ces clauses protègent les postes importants. Il est difficile pour la future entreprise de faire semblant de l’ignorer », note le professionnel.
Une obligation de loyauté
D’autres clauses, comme celles de non-sollicitation, visent à empêcher une entreprise cliente de débaucher un salarié mis à sa disposition pour effectuer une mission. Elle est courante dans les sociétés de prestations informatiques. Des pratiques fautives qui engagent in fine la responsabilité de l’entreprise ainsi que celle du salarié et peuvent entraîner le versement de dommages et intérêts. Sans compter l’image écornée auprès des concurrents. « Il n’en reste pas moins que les salariés doivent respecter une obligation de loyauté vis-à-vis de leur employeur », conclut Dominique-Pierre Laganne.