C’est une chose d’être convaincu par la diversité en entreprise. Mais cela en est une autre d’appliquer, avec ses équipes, cette nouvelle orientation… et de recruter autrement.
C’est un sujet sur lequel elle est intarissable. « La diversité ? Il en faut dans l’entreprise, à l’image de la société, plaide Marie-Sophie Zambeaux. Mais c’est un travail de tous les instants, avec toutes les équipes, car ce n’est pas quelque chose de naturel. » Spécialiste des ressources humaines et recruteuse depuis quinze ans pour différentes entités, cette experte passe beaucoup de temps à alerter ses équipes contre leurs « biais » cognitifs, c’est-à-dire tous leurs préjugés inconscients. « Il y a un exercice facile à faire et qui en dit long, précise-t-elle. Rassemblez des recruteurs et manageurs dans une pièce et soumettez leur une fiche de poste et la même pile de CV. Ils ont beau tous être des professionnels, personne ne choisira exactement les mêmes profils. »
Penser contre soi-même
Pour recruter différemment, il faut déjà savoir comment l’humain fonctionne.
Chaque seconde, notre cerveau traite plus de 10 millions de fragments d’informations diverses et variées, poursuit la spécialiste. De façon inconsciente, il est obligé de faire des raccourcis. Au quotidien, cela nous rend service et nous permet d’agir. Cependant, certains automatismes nuisent à un recrutement éclairé
Autrement dit, sans penser discriminer, un homme de 40 ans par exemple sera souvent tenté de privilégier la candidature d’un homme de son âge, ayant fait les mêmes études, avec la même origine sociale, parfois les mêmes hobbies. « Et cela se fera peut-être au détriment de femmes, de personnes en situation de handicap, de seniors, de personnes d’origine étrangère… » Sans oublier d’autres biais, prouvés par la science. « On sait aussi que le cerveau a tendance à privilégier les gens beaux, inconsciemment jugés plus compétents, ce qui est évidemment faux ! » Pour autant, Marie-Sophie Zambeaux veut croire que ce constat n’a rien d’une fatalité.
Des critères et s’y tenir pour recruter autrement
Comment procéder pour lutter contre ces biais ? Pour cela, d’aucuns plaident pour le CV anonyme – une solution à laquelle notre experte ne croit guère. « Cela ne fait que décaler le problème, car au-delà de la première sélection, il y aura toujours d’autres entretiens où des biais réapparaîtront. »
Pour elle, la seule solution est de se former et d’entraîner ses équipes avec soi. « Il est toujours intéressant de faire intervenir un formateur sur la question des biais cognitifs. Ensuite, une fois que l’on est prévenu, il faut s’efforcer de recruter avec méthode : une fiche de poste et une liste de compétences et de critères stricts à remplir. Au passage, il faudra aussi sensibiliser toute la chaîne de décision, les équipes RH comme les n+1 qui, souvent, auront leur mot à dire. »
Pour qui s’intéresse à la diversité, une formation à la question du handicap sera également pertinente. « Certains candidats n’apprécient pas de voir la mention « poste ouvert à des personnes en situation de handicap », par exemple, car cela peut être jugé discriminant. Au regard de la loi, il faut aussi juger ces candidats sur leurs compétences strictes. La question du handicap aussi suscite trop souvent une gêne qui peut donner lieu à des questions personnelles intrusives et surtout illégales. » Recruter différemment, cela se travaille tous les jours…