Un avantage doit répondre à plusieurs critères pour être considéré comme un usage en entreprise. Il ne peut alors être remise en cause qu’en respectant une certaine procédure.
Une prime particulière pour Noël ou une autre occasion, des jours de congés en plus… Il n’est pas rare que les entreprises accordent à leurs salariés des avantages supplémentaires à ce que prévoient la loi ou leur convention collective. Dans certaines conditions, ce type d’avantage peut être considéré comme un usage d’entreprise et devient alors exigible par les salariés alors même qu’il ne fait pas l’objet d’un écrit. « Ces critères ne sont pas fixés par la loi mais la jurisprudence les a déterminés et précisés au fil des années », explique Hélèna Simic, juriste en droit social chez Lorgec, membre du groupement France Défi.
Usage en entreprise : trois critères de reconnaissance
Trois conditions permettent de caractériser un usage. L’avantage doit d’abord répondre au critère de « généralité » ou de « collectivité ». « Cela signifie qu’il doit être attribué à l’ensemble des salariés ou à l’ensemble des salariés d’une catégorie, définie par des critères objectifs », explique la juriste en soulignant que cela peut être délicat à évaluer.
Ainsi, dans un arrêt du 21 juin dernier, la Cour de Cassation a estimé que ce critère pouvait être rempli lorsque l’avantage était donné à un unique salarié, seul dans sa catégorie. « Il s’agissait d’un responsable dans un magasin et la Cour a argumenté en justifiant de sa qualité de cadre et du fait qu’il avait des responsabilités différentes des chefs de rayon », détaille Hélèna Simic.
La répétition est le deuxième critère permettant d’établir un usage. Il doit ainsi se reproduire de manière constante sur plusieurs années ou plusieurs événements quand il est lié à un évènement (les fêtes de Noël ou la naissance d’un enfant par exemple).
La jurisprudence considère que la répétition caractérise un usage à partir de sa troisième occurrence.
Enfin, le dernier critère à prendre en compte est celui de la « fixité », le fait que l’avantage soit déterminé par des règles précises, constantes dans le temps. Lorsqu’une prime d’un même montant est versée chaque année, cet aspect ne fait pas de doute, mais même dans des cas plus complexes, ce critère ne doit pas être écarté trop rapidement. « Le montant de la prime peut varier mais être déterminé par le chef d’entreprise avec son comptable selon un mode de calcul fixe », illustre Hélèna Simic.
Procédure de dénonciation
Lorsque ces trois conditions sont réunies, l’avantage accordé peut être considéré comme un usage d’entreprise que l’employeur est tenu d’appliquer. Il est possible de le remettre en cause seulement en respectant une procédure particulière. « On appelle cela la dénonciation d’usage. Cela implique notamment la consultation ou l’information – selon l’effectif de l’entreprise – du comité social et économique et l’information individuelle de tous les salariés concernés ou susceptibles de l’être », développe Hélèna Simic qui conseille pour cette information d’utiliser une lettre recommandée avec accusé de réception. « C’est la seule façon d’avoir une date certaine et cela est important car la dénonciation d’un usage suppose aussi le respect d’un délai de prévenance raisonnable, apprécié au cas par cas », explique la juriste.
En pratique, elle recommande de respecter un délai minimum de trois mois pour un usage mensuel et plus pour les usages annuels. Le risque si cette procédure n’est pas respectée est de voir la suppression de l’usage contestée par les salariés, l’inspection du travail ou l’Urssaf et d’être contraint de l’appliquer. Ainsi, les contrôleurs de l’Urssaf sont attentifs au fait que le versement de la prime de pouvoir d’achat ne soit pas utilisé en remplacement d’un usage parce que moins coûteux en matière de cotisations sociales.
Pour éviter le flou et la mise en place non anticipée d’un usage, mieux vaut donc cadrer les choses dès le départ. « J’encourage les employeurs à jouer la transparence et prendre les devants avec une décision unique de l’employeur (DUE) qui fixe les critères d’attribution de l’avantage qu’ils souhaitent proposer de manière précise. Ils peuvent ainsi s’engager pour une durée limitée et s’assurent une sécurité juridique », conseille Hélèna Simic.