Le 23 juin dernier, les électeurs du Royaume-Uni ont voté à 51,9 % en faveur du « Brexit », c’est-à-dire d’une sortie de l’Union européenne. Mais les conséquences de ce verdict sont loin de ne concerner que les Britanniques. Les entreprises françaises, et tout particulièrement celles qui sont implantées sur place ou échangent régulièrement avec ce pays, vont aussi devoir s’adapter à un contexte nouveau, dont on peine à imaginer les contours. Pour enclencher la procédure de sortie, le Royaume-Uni, doit invoquer l’article 50 du Traité qui prévoit une période de sortie de l’UE de deux ans, au cours de laquelle pourront ou non être négociés de nouveaux accords pour régir les relations entre le pays et l’Union. En attendant, c’est le statut quo qui prévaut mais les entreprises françaises voient déjà leurs exportations vers le Royaume-Uni se renchérir du fait de la chute de la livre sterling. Voici un panorama des autres conséquences à envisager.
Brexit : un possible retour des droits de douane
Le Royaume-Uni faisant jusqu’à présent partie de l’UE, qui constitue un seul et même espace douanier, les échanges avec ce pays bénéficient d’un traitement simplifié. « Les flux se font sans droits de douane et sans formalités douanières. L’entreprise doit simplement remplir une déclaration d’échanges de biens (DEB) à des fins statistiques et s’assurer de la bonne gestion de ses obligations au regard de la TVA », explique Stéphane Chasseloup, avocat associé au cabinet Fidal et expert en Droit douanier.
Si avec le Brexit le Royaume-Uni sort de l’Union sans autre forme d’accord, les échanges seront plus lourds administrativement et financièrement. « Sans compter la collecte de la liasse documentaire, pour livrer des biens depuis la France vers le Royaume Uni, il faudra a minima remplir en France une déclaration d’exportation et une déclaration d’importation au Royaume-Uni, un véritable document douanier. Sans compter la charge des aspects déclaratifs, de la détermination notamment du classement douanier et de la valeur en douane par exemple, la formalité à l’exportation, coûte en moyenne de l’ordre de 30 à 40 euros, lorsqu’elle est réalisée par un commissionnaire en douane », détaille le spécialiste.
A cela s’ajouteront éventuellement des droits de douane, dont le montant sera fonction du classement douanier communautaire pour les importations en provenance du Royaume-Uni et décidé par les Anglais, en ce qui concerne les exportations françaises. « Aujourd’hui, une voiture fabriquée au Royaume-Uni ne supporte aucun droit de douane à son arrivée en France alors que la même voiture importée des Etats-Unis en supporte 10 % », illustre Stéphane Chasseloup.
La fin du traitement simplifié de la TVA
Avec le Brexit, les échanges de marchandises ne seront plus traités comme de simples livraisons et acquisitions intracommunautaires au regard de la TVA. A l’import, les entreprises françaises devront payer cette taxe dès le passage en douane. Les exportations seront exonérées de TVA côté français, mais le Royaume-Uni pourra continuer à appliquer, s’il le décide, une taxe équivalente à l’entrée sur son territoire.
L’hypothèse d’un accord
La sortie pure et simple du Royaume-Uni de l’UE n’est toutefois pas l’hypothèse la plus probable. Le pays cherchera certainement à négocier un accord douanier spécifique, afin d’obtenir une exonération partielle ou totale des droits de douane. La Norvège par exemple bénéficie d’un accord de libre-échange avec l’Union, car elle fait partie de l’Espace économique européen. « Mais elle doit respecter le droit communautaire notamment en matière de libre circulation. Il serait paradoxal que le Royaume-Uni qui a voté contre le « dogme » de Bruxelles, négocie un tel accord où il ne peut plus voter mais se plie tout de même aux décisions communautaires », souligne Stéphane Chasseloup. Il pourrait en revanche négocier un accord d’origine préférentielle comme il en existe entre l’UE et 58 pays. « Les droits de douane seront exonérés pour les biens éligibles mais pour les entreprises, le surcoût des déclarations en douane restera », prévient-il.
Un permis de travail pour les salariés
En l’absence d’accords entre le Royaume-Uni et l’UE, le Brexit remettrait aussi en cause le principe de libre circulation et libre établissement des personnes. Il faudrait alors que les salariés français demandent un permis de travail et un permis de séjour pour travailler et réciproquement. Pour les entreprises, embaucher des expatriés supposerait donc que ces-derniers se plient à cette procédure, qui peut prendre un certain temps, et obtiennent leur permis, celui-ci pouvant être refusé. « On peut penser que des mesures seraient prises pour que cela ne concerne que les nouveaux entrants et pas les expatriés actuels », estime François-Xavier Michel, avocat associé au cabinet Cornet Vincent Segurel.
Des assurances complémentaires pour ses salariés expatriés
« Sur le plan de la protection sociale dans l’UE, il y a deux principes : l’égalité de traitement, selon laquelle un État ne peut traiter différemment ses ressortissants et ceux d’autres pays de l’Union, et l’assimilation, qui permet au salarié ayant cotisé dans un pays de pouvoir continuer le bénéfice de leurs cotisations même en allant ensuite dans un autre pays », explique le spécialiste. Ces règles pourraient être remises en cause par le Royaume-Uni, ce qui pourrait engendrer des coûts supplémentaires pour les entreprises. « En général, quand une entreprise envoie ses salariés travailler à l’étranger, elle prend en charges les assurances complémentaires si la couverture sociale y est moins favorable qu’en France », constate François-Xavier Michel. « Toutefois, étant donné le nombre de ressortissants britanniques en France et français au Royaume-Uni, on imagine mal qu’il n’y ait pas au moins un accord bilatéral entre les deux pays sur ces questions-là », rassure l’avocat.
Reste que pour le moment, les entreprises sont dans le flou… Et rares sont celles qui apprécient l’incertitude.