La joint-venture sociale unit des entreprises et des acteurs du monde non-lucratif pour répondre à des objectifs sociaux et aux enjeux de leurs co-fondateurs.
Tirer le meilleur des mondes lucratif et non-lucratif en les unissant au sein d’une structure au service d’un objectif social, ainsi pourrait être résumé en quelques-mots l’esprit de ce que l’on appelle les « joint-ventures sociales » ou JVS.
Une structure indépendante
Inspirées des actions de l’entrepreneur social Muhammad Yunus, les premières sont apparues en France dans les années 2000. « Une dizaine ont été créées entre 2010 et 2020 et environ 5 autres depuis 2020. On observe une accélération de leur développement », constate Audric Dodel, chargé de développement au sein de SocialCOBizz, une association qui promeut et accompagne leur essor.
« Il s’agit d’une des formes possibles des partenariats à impact », poursuit-il. « Création de fondations ou de fonds de dotation par les entreprises, opérations de mécénat, en France, les coopérations entre le monde lucratif et le monde non-lucratif sont très développées », constate Gérard Lejeune, expert-comptable et spécialiste du secteur non-lucratif chez Eucofi, membre du groupement France Défi. La JVS se distingue par le cumul de trois principales caractéristiques. « Elle est d’abord une structure indépendante, cofondée par des acteurs aux expertises complémentaires », précise Audric Dodel.
La joint-venture sociale, des formes variées
La JVS unit ainsi a minima une entreprise « classique » et un acteur associatif ou du monde de l’économie sociale et solidaire. Ces actionnaires mettent en commun des capitaux, des compétences – la maîtrise d’un métier notamment ou de l’accompagnement social – et des ressources – financières ou commerciales par exemple. Deuxièmement, la JVS a pour spécificité de répondre à un objectif social, sociétal ou environnemental. Enfin, le troisième critère la caractérisant est le fait de disposer d’un modèle économique pérenne.
La joint-venture sociale n’est donc pas un statut juridique. Elle peut prendre des formes différentes et se développer dans des secteurs variés. « En France, la plupart appartiennent au secteur de l’insertion par l’activité économique. Il s’agit généralement de SAS qui dispose des agréments nécessaires à ce type d’activité », souligne le chargé de développement.
Un projet gagnant-gagnant
Ares, spécialiste de l’insertion et Vinci Construction ont ainsi co-fondé Liva, une JVS qui fournit des prestations de logistique de chantier du bâtiment, comme le nettoyage, la gestion des flux ou le tri de déchets, assurées par des personnes en parcours d’insertion. Dupont Restauration et l’association Aurore, qui lutte contre l’exclusion, ont donné vie à la JVS Alibo, qui emploie et accompagne des personnes en parcours d’insertion pour distribuer des repas aux personnes âgées ou dépendantes.
Au-delà de la mission sociale qu’elle remplit, la JVS est un projet gagnant-gagnant pour les acteurs qui la constituent. « Un projet est pertinent s’il répond à des enjeux des partenaires qui s’y engagent », insiste Audric Dodel. Pour l’acteur du monde non-lucratif, cet enjeu peut être de démultiplier son impact en s’appuyant sur la force d’une entreprise classique ou par exemple de toucher de nouveaux bénéficiaires.
De nombreuses associations pourraient être intéressées pour s’adosser à un projet d’entreprise afin d’avoir plus de moyens pour réussir leur mission
Joint-venture sociale, une réponse à de nombreux enjeux
Pour les entreprises, les enjeux auxquels une JVS peut répondre sont nombreux et variés. Il peut s’agir de s’engager dans un projet fédérateur pour ses collaborateurs, en redonnant du sens à un métier, de répondre à un besoin de recrutement sur des métiers en tension, d’innover en s’inspirant des manières de faire de son partenaire ou encore de décrocher plus facilement des marchés comportant une clause sociale. De manière générale, « c’est une façon de développer sa responsabilité sociétale alors que l’on cherche de plus en plus à donner à l’entreprise une autre finalité que celle de la réalisation d’un pur profit », souligne l’expert-comptable.
Avant de se lancer, la priorité est donc de déterminer ses enjeux prioritaires et ceux pour lesquels une JVS pourrait apporter une solution. Il faut ensuite modéliser le projet, définir les critères de choix de son partenaire, déterminer la mission de la JVS, son modèle économique mais aussi sa forme et les rôles de chacun. « En général, un pacte d’associés permet de définir la place, le rôle et la responsabilité des différents partenaires », pointe Audric Dodel. Et si les premières JVS ont souvent impliqué de grandes entreprises, les PME aussi peuvent se lancer avec un avantage en termes de mise en œuvre. « Généralement, lorsque le dirigeant est convaincu, le passage à l’action est plus rapide », assure le spécialiste.