Certaines banques taxent déjà les dépôts de leurs clients grands comptes. Si cette mesure se généralise, les entreprises devront sans doute s’adapter et revoir la gestion de leur trésorerie en période de taux négatifs.
Trouver de nouveaux débouchés pour ses liquidités, ouvrir un compte en devises étrangères ou tenter de réduire sa trésorerie ? Le contexte actuel de taux d’intérêt négatifs en Europe place les entreprises face à des réflexions inédites concernant la manière de gérer leur trésorerie. En mai dernier, le groupe BPCE a ainsi annoncé qu’il taxait déjà les dépôts de certains de ses clients grands comptes.
Taux négatifs = les dépôts taxés ?
Une décision que d’autres pourraient imiter. Les banques voient en effet elles-mêmes leurs liquidités taxées par la Banque centrale européenne et empruntent entre elles à un taux négatif. Pour les entreprises, la menace de devoir payer pour l’argent qu’elles confient à leur banque est donc réelle. Une situation pourtant difficile à concevoir.
En temps normal, la trésorerie est pilotée de manière à pouvoir à la fois régler les salariés de l’entreprise, ses fournisseurs et les organismes sociaux et réagir en cas de coup dur. Dégager des liquidités est donc un signe de rentabilité et de performance. Mais aujourd’hui, les taux négatifs sont au contraire favorables aux entreprises endettées.
« Les grandes gagnantes sont celles qui sont beaucoup endettées à taux variables ou qui ont des découverts autorisés importants. Si l’on a souscrit un crédit bail immobilier à taux variable, cette situation génère une économie de loyers considérable », souligne Lionel Salembier, associé chez AGC et vice-président de France Défi.
Les autres semblent pour le moment faire le dos rond. « Elles sont plutôt dans l’expectative face à cette situation, elles subissent plus qu’elles agissent », constate l’expert-comptable. Évidemment, chercher à baisser sa rentabilité pour limiter sa trésorerie n’est pas une solution pérenne.
Mais il est possible de s’adapter. « On peut éventuellement accélérer le règlement de ses fournisseurs, dans le but d’obtenir des escomptes. On demande à payer tout de suite, plutôt qu’à 30 ou 45 jours, mais on obtient en échange un pourcentage d’escompte, ce qui revient à rémunérer, un petit peu, sa trésorerie », détaille Lionel Salembier.
Utiliser sa trésorerie pour investir
Une autre réponse envisageable est d’utiliser sa trésorerie pour investir. « Ce peut être l’occasion de faire de la croissance externe, de développer de nouvelles gammes de produits, d’améliorer les process de production. Mais cela va dépendre de chaque entreprise, de la visibilité dans son secteur », précise Lionel Salembier.
Certaines grandes entreprises peuvent aussi choisir d’émettre des billets de trésorerie à taux négatifs sur les marchés, ce qui revient à se faire payer pour emprunter. Puis placer cet argent à taux positif ou nul auprès des banques. « Mais cela est réservé aux grands groupes, qui ont directement accès aux marchés », tempère le spécialiste.
Envisager de gérer ses dépôts dans une autre devise
D’autres solutions sont imaginées pour permettre aux PME de se protéger. « La première chose, ce serait de faire jouer la concurrence entre les banques. Mais si la taxation des dépôts se généralisait, les entreprises se montreraient sans doute plus imaginatives », estime Lionel Salembier, évoquant par exemple la possibilité d’ouvrir un compte en dollars ou en francs suisses.