Si la location-gérance présente certains intérêts, ce contrat n’est pas dénué de risques pour le propriétaire comme le locataire-gérant.
« C’est une fausse bonne idée. » À la tête du cabinet Axens, membre du groupement France Défi, Hervé Granet ne maintient pas longtemps le suspense sur la question. Selon lui, le contrat de location-gérance n’est pas la meilleure des options à considérer dans le cadre d’une cession ou d’une transmission : « La location-gérance n’est d’ailleurs plus très fréquente depuis les années 1990 (…) Quand on évoque cette possibilité juridique dans une perspective de transmission, il faut y mettre énormément de guillemets, il y a beaucoup trop d’aléas. »
Location-gérance : qu’est-ce que c’est ?
Ce contrat à durée déterminée ou indéterminée permet au propriétaire d’un fonds de commerce, ou d’un établissement artisanal, de concéder à une personne, le locataire-gérant, le droit d’exploiter librement ce fonds à ses risques et périls, moyennant le paiement d’une redevance. La location-gérance permet ainsi au propriétaire du fonds d’en maintenir l’exploitation tout en s’assurant un revenu grâce à la perception des redevances. Pour le locataire-gérant, la formule lui permet d’exploiter le fonds sans avoir à investir immédiatement et de gagner en crédibilité après quelques années pour accéder à l’emprunt bancaire en cas de financements insuffisants.
Si sur le papier la location-gérance semble séduisante, « la réalité économique est bien différente », constate Hervé Granet. Selon l’expert, la location-gérance ne peut s’envisager sans avoir auparavant étudié toutes les autres possibilités : vente sèche, crédit vendeur, donation, etc. « Il faut comprendre pourquoi on en arrive à cette solution. Si la banque ne prête pas au locataire ou si le propriétaire ne parvient à vendre, il y a certainement des raisons. »
Location-gérance : des responsabilités importantes pour les deux parties
Certes avantageuse sur certains points, la situation n’est pas exempte de risques, comme le confirme l’expert. « Il y a une grande méconnaissance de ce système et des responsabilités et les engagements des deux parties qui sont importantes. » Dans le cas par exemple d’un locataire défaillant les premiers mois de reprise, « souvent les plus cruciaux », le propriétaire est notamment solidaire des dettes du locataire.
Le propriétaire prend aussi le risque de retrouver un fonds déprécié à la fin du contrat. De son côté, même s’il a mis toute son énergie dans l’exploitation du fonds, le locataire-gérant n’est propriétaire au final de rien. Il peut même jouer contre son camp en valorisant le fonds qu’il entend racheter.
Ce contrat conduit trop souvent soit à une forte déconvenue du propriétaire soit à une forte frustration du locataire.
Location-gérance : un accompagnement juridique indispensable
Dans certains cas très spécifiques, la location-gérance peut cependant être imposée. Mais rarement dans le cadre d’une cession. Si cette option reste toutefois possible, il est nécessaire de réaliser des simulations au terme du contrat, afin que les deux parties se projettent et prennent conscience de leurs responsabilités respectives. « Si c’est un outil qui existe, il faut impérativement s’entourer de conseils juridiques et fiscaux des deux côtés. Cela ne peut se faire sur un coin de table », recommande l’expert.
En cas de projet clairement affirmé d’acquisition à l’issue du contrat, il peut également être utile de signer une promesse de vente afin de fixer le prix de vente au moment de la conclusion du contrat. Là encore Hervé Granet nuance : « Le risque est qu’en cas de dévaluation, le locataire renonce. À l’inverse, si le fonds est valorisé, le propriétaire ne souhaitera certainement plus vendre. Dans les deux cas, chacun va chercher à obliger l’autre à tenir sa promesse », explique l’expert avant de conclure : « D’expérience, cela se finit rarement bien. »