Pour éviter les contraintes liées au contrat de travail, certaines sociétés recourent à des travailleurs considérés comme des prestataires, mais traités dans les faits comme des salariés. Un choix particulièrement dangereux.
Les revendications des chauffeurs de VTC et des livreurs à vélo de commandes de repas mettent régulièrement sous les feux de l’actualité la question de la requalification des collaborations indépendantes en contrat de travail. Un risque concernant notamment les contrats passés avec des auto-entrepreneurs qui peut coûter cher. « Une entreprise considérée comme l’employeur d’un de ses prestataires devra en effet régler à ce dernier les congés payées, les heures supplémentaires mais aussi les charges sociales liées aux sommes versées, désormais considérées comme des salaires », explique Stéphane Finore, consultant RH au sein du cabinet d’expertise comptable Acofi, membre du groupement France Défi. Et la facture peut encore grimper si, entre temps, la collaboration a été rompue. « L’employeur devra alors verser l’indemnité de licenciement, celle du préavis, mais aussi des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse », souligne Nicolas Béziau, avocat au sein du cabinet Ipso Facto à Nantes. Pire, si le cas est assimilé à du travail dissimulé, l’affaire peut être jugée au pénal, avec une amende à la clé pouvant aller jusqu’à 225 000 € pour les personnes morales et des dommages et intérêts s’élevant de manière forfaitaire à l’équivalent de six mois de salaires.
Un contrat commercial ne protège pas
« La tentation de l’employeur de recourir à un contrat de prestation de type auto-entrepreneur pour économiser le paiement des charges sociales d’un salarié est un calcul à court terme et déconseillé au vu des risques financiers pouvant peser à terme sur la société », remarque Stéphane Finore. Car, si au départ, les deux parties peuvent être d’accord sur leur relation de travail, en cas de mésentente, un prestataire peut avoir la tentation de se tourner vers les prud’hommes ou de dénoncer la situation à l’inspection du travail ou à l’Urssaf. Deux organismes qui, par ailleurs, peuvent également se pencher eux-mêmes sur ce type de relation contractuelle à l’occasion d’un contrôle. Et le fait de produire un contrat rédigé en bonne et due forme signé par les deux parties ne constitue pas une protection à toute épreuve. « L’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté des parties, ni de la qualification qu’elles donnent à la prestation effectuée, mais des conditions de fait dans lesquelles l’activité du travailleur est exercée », rappelle Nicolas Béziau.
Prestataires : l’importance du lien de subordination
S’il n’existe pas de critères conduisant automatiquement à la requalification, les juges s’appuient sur un faisceau d’indices. « Notamment le fait que le travailleur indépendant n’exerce son activité que pour un client unique », note Stéphane Finore. Mais c’est surtout la question du lien de subordination qui est examinée par les juges. « Le respect d’horaires, l’intégration au sein d’une équipe de salariés, l’obligation de respecter des consignes (autres que celles liées à des exigences de sécurité), une absence d’autonomie dans l’organisation de ses tâches et de son temps de travail, la fourniture des outils de travail, des ordres et des directives, des sanctions… autant d’indications susceptibles de faire pencher la balance en faveur de la requalification », indique Nicolas Béziau. Jugées au cas par cas, ces affaires tiennent avant tout à la capacité du travailleur indépendant à apporter des éléments convaincants. Car c’est sur lui que repose la charge de la preuve.