La mesure d’assujettissement aux cotisations sociales des dividendes des dirigeants de SARL, mise en place en 2013, fait toujours débat. Les parlementaires se sont à nouveau emparés du sujet à l’occasion des discussions sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2016. Le 12 novembre dernier, les sénateurs ont voté un amendement en faveur de sa suppression, rejetée quelques jours plus tard par la commission des affaires sociales de l’Assemblée.
Contrer les pratiques abusives en imposant des cotisations sociales sur les dividendes
« A l’origine, cette mesure a été adoptée suite à de nombreux contentieux concernant des schémas d’optimisation fiscale poussés à l’extrême », rappelle Jacques-Philippe Chevalier, expert-comptable associé au cabinet Yzico, membre du groupement France Défi. Certains professionnels libéraux, gérants de leur société, choisissaient ainsi de ne se verser aucune rémunération mais uniquement des dividendes, échappant donc aux cotisations dues sur les revenus du travail.
Pour contrer ces abus, les dirigeants des sociétés d’exercice libéral voient, depuis 2009, la part de leurs dividendes dépassant un montant de 10 % du capital social, des primes d’émission et des comptes courants associés, assujetties aux cotisations sociales. « Au-delà de ces 10 %, on estime donc que les dividendes vont au-delà de la rémunération normale du capital investi », décrypte l’expert-comptable. Cette somme est soumise à l’impôt sur le revenu, après abattement de 40 %, et à 15,5 % de prélèvements sociaux. Et depuis 2013, le dispositif a été étendu à l’ensemble des dirigeants de sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés relevant du statut de non-salariés, comme les gérants majoritaires de SARL. L’année dernière, il a d’ailleurs été un temps envisagé de l’appliquer également dans les SA et les SAS.
« Derrière cela, il y a aussi l’idée que les revenus du capital et ceux du travail doivent être taxés de la même manière. Mais c’est un raisonnement incompréhensible dans le monde des affaires », souligne Jacques-Philippe Chevalier. Pour les entrepreneurs et les investisseurs, les dividendes constituent en effet d’abord une rémunération de leur prise de risque. « Cela crée en outre des mouvement pervers avec des dirigeants qui souhaitent transformer leur SARL en SAS pour éviter cette mesure », raconte le spécialiste.
Pour autant, « un retour en arrière complet est intenable car un pas a été franchi et il faut éviter que des dirigeants ne s’excluent de la solidarité minimale en ne payant aucune cotisation sociale comme cela était auparavant possible », estime-t-il.
Définir un cadre minimal de rémunération
Entre la suppression totale de l’assujettissement des dividendes aux cotisations sociales et le cadre actuel, une troisième voie semble néanmoins se dessiner. « Il faudrait définir une rémunération de travail normale pour le dirigeant de façon à déterminer un cadre minimal sur lequel s’appliquent les cotisations », schématise l’expert. C’est la solution proposée par l’Institut de la protection sociale, qui suggère que ne soit considérée comme abus que la distribution de dividendes à un dirigeant ne s’étant pas versé un revenu professionnel minimum égal au montant annuel du plafond de la Sécurité sociale, sur lequel il aurait donc cotisé. Un compromis qui, pour l’heure, n’a pas convaincu le gouvernement.