Avancée sociale ou mesure néfaste pour l’économie ? Les 35 heures suscitent de nombreux débats qui s’amplifient à l’approche de la présidentielle. Et si, en réalité, elles n’étaient déjà plus qu’un symbole ?
Depuis qu’elle a été instaurée, en 2000, la loi sur les 35 heures n’en finit pas de faire l’objet de controverses. Si un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas), pas destiné à être rendu public, estimait que cette réforme a permis la création de 350 000 emplois, certains jugent qu’elle pénalise les entreprises françaises dans la compétition internationale. Des candidats à la primaire des Républicains annoncent même vouloir laisser chaque employeur libre de fixer son propre temps de travail dans une limite de 48 heures hebdomadaires, ce qui est la durée moyenne maximale du temps de travail définie par l’Union européenne, y compris les heures supplémentaires. Bref, le débat va continuer à faire rage. Pourtant, au fil des ans, les possibilités de contourner les 35 heures se sont multipliées. « Des lois, des accords de branche et des accords d’entreprise permettent d’y déroger. Au point qu’aujourd’hui, plus personne n’y comprend grand-chose ! », constate l’avocat parisien Christophe Noël.
Au-delà des 35 heures, les heures « supp »
Contestées ou pas, les 35 heures restent la durée légale du temps de travail hebdomadaire et constituent le seuil de déclenchement des heures supplémentaires et de la rémunération majorée qui les accompagnent : théoriquement, de la 36e à la 43e heure, le taux majoré est de 25% pour passer à 50% à partir de la 44e heure supplémentaire. « Mais par le biais d’un accord d’entreprise, il est possible de réduire le taux de majoration à 10 % », rappelle Christophe Noël. De quoi faire baisser la facture pour les employeurs. Et c’est sans compter sur les exceptions prévues par les conventions collectives.
Des forfaits pour déroger
La plupart des conventions collectives offrent des moyens de déroger aux 35 heures par semaine : dans l’hôtellerie-restauration, par exemple, la durée conventionnelle du travail est fixée à 39 heures (les heures travaillées au-delà de 35 heures sont des heures supplémentaires donnant lieu à majoration). Mais il existe bien d’autres façons de s’en affranchir. « Parmi les plus utilisés, il y a les forfaits jour et les forfaits heures annualisés pour les cadres et les salariés autonomes dans l’organisation de leur temps de travail », relève Christophe Noël.
La modulation pour s’adapter aux cycles de l’activité
Autre dispositif permettant de s’exonérer de la durée légale : la modulation. « Dans ce cadre, la durée du travail est répartie sur tout ou partie de l’année, pour s’adapter aux activités cycliques. Les horaires de travail sont augmentés en période de haute activité et réduits en période de basse activité. Par exemple, les salariés peuvent travailler 42 heures par semaine sur les six premiers mois de l’année sans majoration pour les heures au-delà des 35 heures, puis 28 heures les six mois suivants », explique Christophe Noël. Dans ce cas, la loi prévoit seulement une durée du temps de travail maximum annualisée de 1607 heures. En clair, lorsque c’est nécessaire, il n’est pas si difficile d’adapter le temps de travail de son personnel aux exigences de son activité, sans avoir à modifier la loi. Ceux qui proposent de le faire, en revenant sur les sacro-saints « RTT », devront sans doute affronter de nombreuses résistances. Beaucoup d’entreprises, d’ailleurs, ne tenteront pas de négocier de nouveaux accords sur le temps de travail. Même ceux qui proposent d’en finir avec les 35 heures en conviennent.