Dans le cas d’un licenciement jugé abusif et injustifié, le montant des indemnités de dommages et intérêts auxquelles peut prétendre un salarié est limité par le barème Macron. Un jugement de la Cour de cassation du 11 mai a validé ce barème, mis en cause par certains conseils de prud’hommes et différentes cours d’appel.
Fin de la bataille judiciaire. Depuis le 11 mai, il n’est plus possible de déroger au barème Macron. Ce dernier plafonne les indemnités pour un licenciement abusif reconnu par les conseils de prud’hommes. Établit par une ordonnance du 22 septembre 2017, ce barème présente une réforme importante du droit du travail en imposant un plafond pour la première fois.
Ce barème est fixé au regard du salaire de l’employé et du nombre de salariés dans l’entreprise. Plus l’ancienneté du salarié est importante, plus importante sera l’indemnité versée. De même, plus le nombre de salariés dans l’entreprise est important, plus l’indemnité est haute. L’objectif affiché est de sanctionner moins sévèrement les petites entreprises. En effet, avant 2017, les salariés victimes d’un licenciement abusif étaient indemnisés à hauteur du préjudice subi, une indemnisation minimale équivalente à au moins six mois de salaire pour les salariés justifiant d’au moins deux ans d’ancienneté était alors prévu. Mais il n’existait pas de plafond maximal.
Désormais, l’indemnité est plafonnée entre un et vingt mois de salaire brut, en fonction de l’ancienneté, les dommages et intérêts dus en cas de licenciement abusif (hors licenciement pour harcèlement ou discrimination). Un salarié ayant moins d’un an d’ancienneté pouvant obtenir une indemnité plafonnée à un mois de salaire tandis que pour les salariés ayant plus de 29 ans d’ancienneté, le plafonnement est fixé à 20 mois de salaire.
Barème Macron, une contestation dès 2017
Dès 2017, plusieurs voix se font entendre pour le contester. Des syndicats et avocats de salarié ont demandé le retrait de ce plafonnement en estimant qu’il n’était pas conforme aux conventions européennes et internationales, notamment à l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail, qui consacre le versement d’une indemnité « adéquate » ou d’une réparation appropriée.
Des juridictions ont également estimé que la situation de certains salariés, en particulier les plus âgés, pouvait justifier de s’exonérer du barème. Laissant aux juges le soin d’apprécier « in concreto », c’est-à-dire, de manière concrète au regard de chaque situation particulière, si l’indemnité perçue était « adéquate ».
L’incertitude du cas par cas
Mais, pour la Cour de cassation, ce contrôle in concreto créerait « pour les justiciables une incertitude sur la règle de droit applicable » et « porterait atteinte au principe d’égalité des citoyens devant la loi ». La Cour a ainsi tranché en défaveur des juridictions concernées le 31 mars. En conséquence de quoi, un « juge français ne peut écarter, même au cas par cas, l’application du barème », jugé par ailleurs « conforme à l’article 10 de la convention n°158 de l’Organisation internationale du travail ».
Désormais, seules les exceptions prévues dans le Code du travail pourront permettre d’écarter le barème à savoir :
- en cas de licenciement nul (discrimination, harcèlement, violation des droits fondamentaux, etc.) : une indemnité au moins égale à 6 mois de salaire doit être versée. Il n’y a pas de maximum.
- en cas d’irrégularité de la procédure : une indemnité forfaitaire égale à 1 mois de salaire doit être versée, elle n’est pas cumulable avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- en cas de demandes supplémentaires d’indemnisation : pour le paiement de dommages et intérêts au titre d’un préjudice distinct en cas de rupture brutale et vexatoire par exemple ou en lien avec les conséquences liées aux heures supplémentaires.
Barème Macron, des conséquences financières variées
Les entreprises, notamment les PME-TPE, se félicitent d’une telle décision. Le barème ayant deux objectifs premiers : « lever les freins au recrutement, en accroissant la prévisibilité des décisions rendues et en sécurisant les entreprises, notamment les TPE-PME, au regard des risques liés à la rupture du contrat de travail », comme indiqué dans le rapport au président de la république relatif à l’instauration du barème.
Côté salariés et syndicats, c’est évidemment la grogne. Deux études (de France Stratégie et de l’Université Grenoble-Alpes) largement relayées dans la presse nationale avaient ainsi conclu que le montant moyen des dommages et intérêts est passé de 7,9 mois de salaires à 6,6 ; que les indemnités des salariés employés par une société de moins de 11 personnes diminuent moins que celle des collaborateurs d’une entreprise d’au moins 11 personnes (-0,8 mois versus -2,1 mois) ; et que les plus pénalisés sont les salariés ayant une ancienneté comprise entre 2 et 5 ans dans leur entreprise, qui perdent 3,1 mois, en moyenne.
Des dérives possibles
Au-delà de l’aspect financier, le barème questionne aussi le rôle du juge en tant que tel. Pour le professeur en droit du travail Michel Miné qui s’exprime dans un article de The Conversation, « le juge, le tiers nécessaire garant dans toute relation contractuelle, ne peut plus apprécier le préjudice dans sa totalité et en assurer la réparation dans son intégralité ». Et de continuer : « Dans cette perspective, il devient légalement possible de faire un bilan coûts-avantages en écartant toute référence à la justice : est-il économiquement intéressant ou pas de respecter la loi et les contrats conclus ? »
Une position partagée par l’Organisation internationale du travail dans un rapport. Elle estime également qu’il « n’est pas a priori exclu que, dans certains cas, le préjudice subi soit tel qu’il puisse ne pas être réparé à la hauteur de ce qu’il serait “juste” d’accorder ». Le débat juridique autour du barème pourrait encore se prolonger au niveau européen, avec des décisions attendues du Conseil de l’Europe et de la Cour européenne des droits de l’homme de Strasbourg.