Un fonctionnement souple, la possibilité d’avoir un statut de salarié, une absence de capital minimum… Autant de caractéristiques qui contribuent au succès de la Société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU). Mais pour Philippe Guermeur, associé dirigeant du cabinet 3 G-Gadras, et président du groupement France Défi, cette forme juridique n’est pas la panacée. A la veille du salon des entrepreneurs qui se déroule les 3 et 4 février à Paris, un décryptage s’impose selon lui.
• Vous tenez à mettre en garde contre la SASU… Pourquoi ?
Parce qu’aujourd’hui, ce statut juridique est présenté comme étant quasiment miraculeux ! Il est souvent choisi hâtivement par des entrepreneurs individuels, sur la base de lectures sur Internet, notamment sur des forums, et d’idées préconçues pas toujours vérifiées. Il semble intéressant parce qu’il permet d’éviter d’être assujetti au régime social des indépendants (RSI) et d’être confronté à ses dysfonctionnements (alors que ceux-ci sont de moins en moins nombreux), de bénéficier des avantages du statut de salarié ou encore parce que la mise de fonds peut être de seulement 1 €, ce qui est en réalité un montant tout à fait insuffisant pour démarrer une activité. Autant d’avantages qui conduisent certains entrepreneurs à ne même pas envisager une autre forme juridique. Mais parfois, c’est prendre un canon pour tuer une mouche… Alors que ce qui compte, c’est l’adaptation du statut juridique à un projet. Lorsque l’on prend le temps de dérouler la pelote d’un projet, d’en analyser objectivement tous les paramètres, il apparaît que la SASU n’est pas si intéressante qu’elle en a l’air.
• Parmi les caractéristiques les plus appréciées de la SASU, il y a la possibilité d’avoir le statut salarié… Qu’en pensez-vous ?
Il faut d’abord rappeler qu’avant d’envisager la meilleure manière d’utiliser ses bénéfices, il faut en générer ! Cette « société à 1 € », au fonctionnement simplifié, conduit des candidats à la création d’entreprise à monter des projets sans qu’ils soient suffisamment réfléchis et aboutis. Concernant le statut salarié, certains oublient qu’il va falloir payer des charges sociales importantes. En étant au RSI, par le biais de la loi Madelin, il est possible de bénéficier d’une déduction fiscale des cotisations versées pour la constitution d’une retraite et d’une prévoyance complémentaires, et c’est parfois plus intéressant.
• … et la possibilité d’être assujetti à l’impôt sur le revenu plutôt qu’à l’impôt sur les sociétés. Qu’en pensez-vous ?
Cette possibilité est aussi ouverte aux dirigeants de société à responsabilité limitée (SARL) lorsqu’ils sont associés unique. Mais, à l’inverse de la SASU, dans une SARL, on peut ouvrir le capital à des nouveaux venus.
• Y a-t-il tout de même des cas où l’intérêt de la SASU est manifeste ?
Oui, dans certaines situations, elle présente des avantages incontestables. Par exemple, c’est intéressant pour un dirigeant atteint d’une pathologie chronique d’opter pour ce statut, car il est préférable pour lui de cotiser au régime général plutôt que de payer des cotisations prohibitives pour une complémentaire. C’est aussi avantageux pour un dirigeant qui fait valoir ses droits à la retraite et qui, par ce biais, n’aura pas de cotisations sociales à payer, tout en percevant des dividendes. Le demandeur d’emploi qui lance son activité peut aussi y voir un intérêt s’il choisit de toucher des dividendes plutôt qu’un salaire, puisque ceux-ci ne modifieront pas le montant de son allocation chômage. Cela dit, c’est aussi possible avec une SARL et une EURL. Dernier cas, celui d’un salarié ayant une activité complémentaire qui, grâce à la SASU, n’aura pas à payer deux fois des cotisations sociales s’il choisit de percevoir des dividendes. Plus théorique, la situation d’un salarié qui, par le biais d’une SASU, exerce une activité complémentaire se soldant par des pertes. Celles-ci peuvent alors être déduites de ses revenus s’il a choisi, pour cette activité, d’être imposé sur ses revenus. Mais quel intérêt y a-t-il à poursuivre une activité générant des pertes qu’il faudra combler ?