Le dirigeant dont l’entreprise est placée en procédure de redressement ou de liquidation judiciaire peut être condamné pour délit de banqueroute lorsqu’il a commis certains actes de gestion frauduleux.
« Il y a souvent confusion entre la notion de banqueroute et celle de faillite ou cessation de paiement, mais ce sont des choses différentes », prévient Idriss Emadaly, expert-comptable chez Audit Expert Gestion, membre du groupement France Défi. La cessation de paiement, aussi appelée faillite, désigne la situation où le passif exigible de l’entreprise est supérieur à son actif disponible, elle n’est plus en mesure d’honorer ses dettes. La banqueroute, elle, est un délit, défini aux articles L654-1 à L654-7 du Code de commerce, constituée par des actes de gestion frauduleux qui peuvent être reprochés au dirigeant en cas d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Artisans, commerçants, agriculteurs, indépendants ou professionnels libéraux, tous les types de dirigeants peuvent être visés par ce délit. « Il est du ressort du tribunal correctionnel, et non du tribunal de commerce, qui lui peut accompagner les entreprises en difficulté, et va être caractérisé lorsque l’on détecte certains faits intentionnels », explique Idriss Emadaly. La banqueroute peut ainsi être caractérisée par le fait de ne pas avoir tenu une comptabilité, d’avoir fait disparaître certains documents comptables ou d’avoir tenu une comptabilité incomplète ou irrégulière.
Délit de banqueroute, des faits intentionnels
Elle sanctionne aussi le fait d’avoir fait des achats en vue d’une revente en dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds, dans l’intention de retarder ou éviter l’ouverture de la procédure collective, ou encore le fait d’avoir frauduleusement augmenté le passif de l’entreprise.
Un motif qui, selon l’expert-comptable, prend un sens particulier dans la situation actuelle. « La question de retenir ce fait caractéristique de la banqueroute pourrait se poser pour les chefs d’entreprises qui étaient déjà en difficulté avant la crise du Covid-19 et, plutôt que de tirer la sonnette d’alarme, ont profité de la crise pour souscrire un prêt garanti par l’État et endetter encore plus l’entreprise », illustre-t-il. Enfin, le fait de détourner tout ou partie de l’actif de l’entreprise peut aussi constituer un délit de banqueroute.
Les faits doivent être commis intentionnellement : « La notion de gestion frauduleuse va avec l’agissement volontaire. Le chef d’entreprise doit les avoir réalisé en toute connaissance de cause », précise Idriss Emadaly.
Avant ou après la cessation de paiements ?
Si l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire est nécessaire pour que soit retenu le délit de banqueroute, les comportements reprochés au dirigeant peuvent précéder la cessation de paiement. C’est ce qu’a précisé la Cour de Cassation, dans son arrêt du 25 novembre 2020. Elle y indique que la banqueroute peut être retenue « indifféremment pour des faits commis antérieurement ou postérieurement à la cessation des paiements ».
Ce n’est donc pas seulement pendant la phase de cessation de paiement qu’on peut qualifier ce délit
En cas de condamnation pour banqueroute, le chef d’entreprise encourt une peine allant jusqu’à cinq ans de prison et 75 000 € d’amende, qui peut s’accompagner de sanctions complémentaires comme l’interdiction de gérer.
Pour éviter les poursuites, rigueur et réactivité s’imposent. « La bonne attitude pour le chef d’entreprise, c’est déjà de connaître l’ensemble des obligations et responsabilités qui lui incombent », souligne Idriss Emadaly. Il importe ensuite de réagir aux premiers signes de difficulté. « Conciliation, mandat ad hoc, procédure de sauvegarde, des dispositifs de prévention et de traitement des difficultés existent. Il ne faut pas en avoir peur au risque sinon de voir les problèmes s’aggraver et d’engager sa responsabilité », rappelle le spécialiste.