Pour préserver leurs informations stratégiques et leurs innovations, les entreprises peuvent désormais se prévaloir de la loi sur le secret des affaires. Décryptage de ce nouveau droit.
La loi sur le secret des affaires a suscité de nombreuses polémiques mais était attendue avec impatience par les entreprises et les juristes. Depuis le 30 juillet dernier, les sociétés françaises, comme la grande majorité de leurs homologues de l’Union européenne, bénéficient d’une protection juridique de leur savoir-faire et de leurs données stratégiques.
Loi sur le secret des affaires: protéger les entreprises
« Une nécessité, liée notamment aux menaces grandissantes de l’espionnage industriel et de la cybercriminalité », assure Olivier de Maison Rouge, avocat en Droit des affaires qui a participé à la rédaction du guide publié par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris Ile-de-France sur cette nouvelle loi. Selon lui, ce texte présente un atout essentiel :
Il permet de protéger tout ce qui constitue l’avantage concurrentiel des entreprises, depuis les procédés industriels jusqu’aux algorithmes, en passant par les informations concernant le lancement d’un nouveau produit, les recettes et les méthodes de prospection commerciale
Trois conditions cumulatives
Quelles sont les informations susceptibles de relever du secret des affaires ? Celles qui remplissent trois conditions cumulatives. D’abord, elles doivent être non publiques, ne pas être connues des professionnels du secteur concerné. « Ensuite, elles doivent présenter une valeur commerciale. D’ailleurs, il peut même s’agir de projets non mis en œuvre au moment de leur divulgation », explique Olivier de Maison Rouge. Enfin, elles doivent avoir fait l’objet de mesures de protection « raisonnables ».
Mettre en place des outils de protection
« En clair, un simple tampon « secret » sur un document ne suffit pas », traduit cet avocat. Impossible, donc, de se prévaloir du secret des affaires si des outils de protection n’ont pas été mis en place. « Il s’agit notamment de sécuriser l’accès physique aux locaux, mais aussi de sécuriser les systèmes d’information, par le biais d’autorisations d’accès individuelles aux données sensibles », précise Olivier de Maison Rouge.
Bref, autant de précautions que l’entreprise estime pertinentes et dont elle pourra ensuite faire état devant la justice, le cas échéant, que le secret ait été éventé par un salarié ou obtenu par le piratage du système d’information. Quant à la réparation, qui doit être demandée devant une juridiction civile, elle prend la forme de dommages et intérêts.
Des exceptions au secret
Cette nouvelle protection n’est cependant pas absolue. « Si un concurrent a découvert une recette identique, ou mis au point le même procédé, au même moment, le secret des affaires ne tient pas », assure Olivier de Maison Rouge. Même chose si, après le lancement d’un produit ou d’un service, un rival s’en inspire pour lancer une offre identique. « D’où la nécessité de continuer à utiliser les procédés classiques de protection, comme le dépôt de brevet », insiste Olivier de Maison Rouge. De plus, en aucun cas le secret des affaires ne peut être brandi pour dissimuler des actions frauduleuses, par exemple de la fraude fiscale, car il n’est pas opposable aux autorités judiciaires et administratives. Enfin, il n’est pas opposable aux lanceurs d’alerte et aux journalistes. Car il ne saurait limiter la liberté d’expression et le droit à l’information.