Si techniquement, il est possible de traquer les déplacements et l’activité numérique de ses collaborateurs, toute surveillance reste encadrée par la loi.
Le sujet est d’actualité : Sylvain Lagrange vient de mettre à jour son règlement intérieur et sa charte informatique sur ces questions. « Entre ce que permet le numérique et le nouveau Règlement général sur la protection des données (RGPD), je me suis penché sur ces questions pour nos clients mais aussi mes propres collaborateurs », confie l’associé et responsable social du groupe CAEC. Comme tout dirigeant d’entreprise, j’ai une sensibilité sur ce sujet et l’obligation de prendre certaines précautions. »
Surveiller numériquement vos salariés : l’accès aux emails
Un premier rappel utile concerne l’accès aux emails des salariés.
Un dirigeant a tout à fait le droit de regarder des mails échangés par son salarié, explique notre expert. Mais, évidemment, je parle de sa messagerie professionnelle à laquelle on peut devoir accéder pour des raisons de travail, dans le cadre d’un suivi de dossiers ou pendant une absence par exemple
Néanmoins, le collaborateur doit être prévenu de ces dispositions, qui ne concernent évidemment pas sa boîte privée qui reste personnelle.
Une décision de la CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) de janvier 2016 rappelle qu’une surveillance des mails ou des connexions internet au travail par l’employeur est légale. Théoriquement, la connexion internet mise à la disposition du salarié par l’employeur est un outil de travail. Un employeur peut donc prendre connaissance d’un historique de navigation, présumé avoir un caractère professionnel. Il peut même installer sur l’ordinateur du salarié un logiciel de surveillance. Cependant, cette « surveillance » est encadrée par la loi. Le salarié doit obligatoirement en avoir été informé au préalable via une charte Internet tout comme le comité d’entreprise ou le comité social et économique, ainsi que la CNIL.
Surveiller numériquement vos salariés : la question de la géolocalisation
« Les mêmes précautions prévalent pour la géolocalisation des salariés, poursuit Sylvain Lagrange. Techniquement, elle est aujourd’hui possible via les téléphones des salariés ou leur véhicule de fonction si les salariés sont prévenus. » Mais encore faut-il que cela soit justifié. En janvier 2019, la Cour de cassation, dans un litige opposant une filiale de la Poste à un syndicat, a ainsi déclaré illicite un système de géolocalisation des salariés pour contrôler le temps de travail. En effet, la géolocalisation ne doit servir que dans des cas précis, comme justifier la facture d’une prestation ou assurer la sécurité d’un collaborateur.
« Nous avons des véhicules que nous pourrions techniquement géolocaliser, mais nous ne le faisons pas », conclut Sylvain Lagrange. Ce dirigeant recommande un usage modéré de ces contrôles. « Introduire un mode de contrôle qui n’est pas justifié par un intérêt autre que la stricte surveillance d’un salarié contrevient à la confiance mutuelle indispensable à une relation de travail durable. Cela nuit à la qualité des relations et potentiellement, à terme, à la fidélisation de ses salariés. »