Plusieurs décisions récentes ont précisé ou limité la liberté de fonctionnement qui caractérise la société par actions simplifiée (SAS).
Au moment de créer une société, la forme de la société par actions simplifiée (SAS) est souvent appréciée en raison de la souplesse qu’elle permet. « Historiquement on présentait la SAS comme la société de la liberté contractuelle. Autant les statuts d’une SARL sont très encadrés par la loi, autant ceux de la SAS peuvent être modulés à l’envi par les associés qui peuvent organiser son fonctionnement comme ils le souhaitent », rappelle Vincent Guida, expert-comptable chez Qwanta Experts, membre du groupement France Défi. Cette liberté n’en demeure pas moins soumise à d’éventuelles évolutions législatives et jurisprudentielles comme l’illustrent plusieurs décisions prises ces deux dernières années.
Majorité simple requise
Dans une décision du 19 janvier 2022, la Cour de Cassation a ainsi considéré que les statuts d’une SAS ne pouvaient prévoir l’adoption de résolutions par un nombre de voix inférieur à la majorité simple des votes exprimés. Elle avait été saisie d’une affaire dans laquelle les statuts d’une SAS prévoyaient la possibilité de prendre des décisions collectives à la majorité du tiers des droits de vote des associés présents ou représentés.
Cela créait une importante disparité entre les droits capitalistiques et les droits politiques au sein de la société. Cette décision ne remet pas en cause la liberté contractuelle des associés dans la rédaction des statuts, mais pose simplement une limite quant à la possibilité d’instaurer des règles de majorités relatives.
SAS : clause d’exclusion validée
En décembre 2022, c’est cette fois le Conseil Constitutionnel qui a été amené à se pencher sur la SAS, en l’occurrence à propos de la clause d’exclusion. Parfois prévue dans les statuts, la mise en œuvre d’une telle clause permet de contraindre un associé à céder ses actions. « Il y a une sorte de confrontation entre le droit de propriété et la notion d’affectio societatis, le lien qui unit des personnes qui souhaitent s’associer. Lorsqu’il est rompu, la société n’a plus sa raison d’être. En prévoyant une clause d’exclusion, on rend possible l’exclusion de l’associé qui ne respecte pas certaines conditions », décrypte Vincent Guida.
Le Conseil Constitutionnel a considéré que l’application d’une clause d’exclusion ne portait pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Cette clause doit cependant être rédigée en précisant les motifs d’exclusion, qui doivent être conformes à l’intérêt de la société et à l’ordre public.
Nullité de certaines violations statutaires
Plus récemment, la Cour de Cassation a rendu une décision allant à l’encontre de la jurisprudence précédente. Elle considérait jusque-là que la violation d’une disposition statutaire d’une SAS ne pouvait être frappée de nullité sauf dans certains cas peu susceptibles de se produire étant donné la liberté laissée aux associés dans la rédaction de statuts.
Dans un arrêt du 15 mars 2023, la Cour a revu sa copie et estimé que les juges pouvaient bien prononcer la nullité de décisions adoptées en violation des statuts d’une SAS. Cela ne concerne cependant que les décisions collectives de la SAS, donc prises en assemblée générale, et la Cour précise que cette nullité ne peut être prononcée que si « la violation des statuts est de nature à influer sur le résultat du processus de décision ».
« Cette décision, comme les précédentes, encadre la grande liberté qui caractérise la rédaction des statuts et le fonctionnement de la SAS et apporte une réponse aux questions légitimes qui peuvent être soulevées comme celle de la limite de la liberté contractuelle quand des décisions sont par exemple prises avec une majorité différente de celle prévue dans les statuts », analyse Vincent Guida. La philosophie générale de la SAS reste la même mais son cadre est ainsi précisé.
Formalités modifiées
Enfin, il faut noter, sur le plan plus pratique, que les formalités de création d’une SAS ont aussi évolué puisque sa demande d’immatriculation doit, depuis le 1er janvier 2023, être déposée via le guichet unique pour les formalités des entreprises, et non plus auprès du greffe du tribunal de commerce. Ce changement présenté comme un levier de simplification ne s’est pas fait sans difficultés. « Au départ cela n’a pas fonctionné et les procédures ont été considérablement ralenties », constate Vincent Guida. Il semble que le guichet unique, dont l’utilisation est fortement encouragée par les pouvoirs publics, fonctionne désormais mieux.